Passe d’armes très politique entre l’Egypte et le Hezbollah

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Théâtre de trafics d’armes et de manœuvres de militants islamistes du Hamas et du Hezbollah, le Sinaï serait devenu moins accueillant pour les activités de la « résistance pro-palestinienne ». L’arrestation de 49 militants du Hezbollah libanais, membre du gouvernement d’union nationale libanais, vient de semer un sérieux coup de froid dans les relations égypto-libanaises. L’Egypte entend clairement signifier que son territoire n’est pas ouvert aux activités des groupes islamistes.

L’Egypte a annoncé mercredi 8 avril l’arrestation de 49 militants du Hezbollah accusés de « déstabiliser la sécurité générale de l’Egypte ». Mais c’est dimanche 11 avril que les torts reprochés aux membres du parti islamiste libanais se sont précisés. Les autorités égyptiennes et israéliennes ont alors déclaré que la cellule terroriste organisait un attentat dont la cible aurait été les touristes israéliens au Sinaï, nombreux pour la semaine de fête de Pessah (Pâque juive).

Les autorités égyptiennes ont saisi des ceintures d’explosifs et d’autres matériaux nécessaires à la fabrication de bombes, selon les déclarations du ministre égyptien Mufed Shehab.

Celui-ci a également accusé les terroristes présumés d’avoir projeté d’acheter un bateau pour « apporter des armes et des munitions depuis le Yémen, le Soudan, la Somalie et les infiltrer dans le pays [en Egypte]. »

Les autorités égyptiennes reprochent également aux terroristes présumés d’avoir « scruté et localisé les groupes de touristes venant régulièrement dans les complexes hôteliers et les résidences du sud du Sinaï, ouvrant la voie à de possibles agissements hostiles les visant », a expliqué M. Shehab devant les députés égyptiens.

Entre temps, Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, a donné la réplique au Caire via une interview télévisée. Le leader islamiste a reconnu vendredi que son mouvement apportait une « aide logistique » à « la résistance en Palestine », mais a nié tout projet d’attentat en Egypte. « Je réfute catégoriquement que le Hezbollah aie la moindre intention d’attenter à la sécurité de l’Egypte, de viser des personnes ou des intérêts Egyptiens », a-t-il déclaré.

Cette passe d’armes ne s’est pas arrêtée là. Des poursuites judiciaires à l’encontre de Hassan Nasrallah lui-même seraient envisagées par les députés égyptiens, au chef d’inculpation d’ « incitation à des activités terroristes pour tenter de déstabiliser l’Etat [égyptien] ». Si ces poursuites voient le jour, ce serait la première fois qu’un pays arabe lance un mandat d’arrêt contre le leader d’un mouvement politique au pouvoir dans un autre pays arabe.

Certains détenus parmi les 49 déclarés mercredi par Le Caire le sont depuis novembre dernier. Dès lors, le choix de la date de cette annonce interpelle les observateurs. L’Egypte a choisi de porter à cette occasion un coup dur au Hezbollah, qui s’était illustré en tenant des propos très hostiles à l’Egypte lors de la guerre israélienne à Gaza. Hosni Moubarak, le président égyptien, a été brocardé par le mouvement islamiste mais aussi par la Syrie, le Qatar, et l’Iran comme un traître de la cause arabe.

L’Egypte s’irrite donc de l’influence croissante du Hezbollah. Le Caire lui a reproché de vouloir faire de l’Egypte « un terrain de jeux semblable au Liban ». Hosni Moubarak a même téléphoné au Premier Ministre libanais Fouad Siniora dimanche, pour prévenir qu’il ne laisserait aucune organisation « ébranler la stabilité de [son] pays », ni « violer ses frontières ».

Déjà le 10 avril, le Hezbollah avait déclaré que deux de ses membres avaient été arrêtés par l’Egypte pour avoir tenté d’apporter une aide logistique aux Palestiniens.

La police égyptienne a arrêté dans le nord du Sinaï un homme transportant 2 millions de dollars. Ce dernier avait l’intention de les introduire dans la Bande de Gaza pour le compte du Hamas a expliqué le samedi 11 avril une source sécuritaire égyptienne.

En s’attaquant au Hezbollah, le régime égyptien prend donc le risque de se couper de l’opinion publique égyptienne et arabe. Toutefois, en se posant en défenseur de la souveraineté égyptienne sur le Sinaï, Hosni Moubarak est parvenu à déchaîner la presse égyptienne, il est vrai proche du pouvoir, contre Hassan Nasrallah.

Un journal pro-gouvernemental en est ainsi venu à traiter le leader du Hezbollah de « singe ». Le régime égyptien espère ainsi décrédibiliser le courant islamiste radical. Des officiels égyptiens, sous couvert d’anonymat, ont d’ailleurs déclaré au journal égyptien Al-Ahram que les présumés attentats déjoués devaient se dérouler simultanément à des manifestations du parti islamiste des Frères musulmans, interdit par le régime.

Antony Drugeon, le 14 avril 2009

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