SOMMAIRE
- Apple, roi du marketing cool
- Priorité accordée au style
- Apple et le « cool factor »
- Le business des « Apple Stores »
- Une communauté de fans
- Le placement de produits
- La stratégie du buzz selon Apple
- La publicité… gratuite
- Le marché des applications
- La protection judiciaire
- La guerre des cartes SIM
Apple, ou l’art du marketing cool
Apple, une entreprise à part dans le monde de l’informatique ? Du moins la firme à la pomme cultive précieusement cette impression, avec une réussite qu’il serait difficile de nier.
Apple, entreprise « la plus admirée » en 2008, 2009, et 2010 parmi les hommes d’affaires américains (à en croire le classement du magazine Fortune [à lire en anglais]), ne semble pas moins populaire en France, puisqu’Apple serait l’entreprise pour laquelle les adolescents français rêvent le plus de travailler.
De fait, la firme de Cupertino est sans doute celle qui peut le mieux se targuer d’avoir des fans. La frénésie quasi-fanatique qui accompagne la sortie d’un nouveau produit d’Apple en atteste. Mais comment expliquer cette singularité ?
Entreprise « de marketing au moins autant que de technologie », comme s’amusait à le rappeler en 1997 son ancien PDG John Sculley, Apple a le vent en poupe. Mais son succès lui attire bien des inimitiés. Derrière la face « cool », le visage intransigeant d’Apple est de plus en plus pointé du doigt.
Zoom sur une stratégie économique pour le moins singulière.
Apple, le style comme ambassadeur de la marque
Apple, c’est avant tout un style, qui repose sur un design singulier. Formes arrondies, extérieurs monochromes – blanc souvent –, lignes épurées : autant de choix esthétiques qui ont permis à Apple, au fil des années, de créer son identité propre dans le paysage des produits technologiques.
Du design à l’ergonomie, il n’y a qu’un pas, qu’Apple a aisément franchi : ses produits sont généralement pratiques, prêts à l’emploi, sans installations préalables ni paramétrages compliqués, à l’image du matériel épuré. De quoi viser le public le plus réticent aux nouveautés technologiques.
Le produit Apple doit donc, selon la stratégie d’Apple, privilégier la qualité et non le seul prix, pour être considéré par le public comme un bel objet, simple d’utilisation, et permettant de se distinguer.
Une distinction qui renvoie plus largement à la philosophie d’entreprise qu’Apple cherche à exprimer par ses produits et sa communication.
Apple, roi du « cool factor »
Car Apple, c’est avant tout une philosophie : la marque à la pomme adopte – et véhicule – une image décontractée, ludique et créative à la fois. Au point de tourner en dérision la complexité et le côté supposé coincé des utilisateurs de PC dans une campagne vidéo désormais célèbre.
Le PDG d’Apple lui-même s’efforce d’incarner cette décontraction. Steve Jobs personnalise la marque, en s’affichant en jeans, pull à col roulé et baskets. Cette posture cool fait partie de ce qui est vendu dans chaque produit : le choix de systèmes prêts à l’emploi, jusqu’à être ludiques, et d’un design novateur complètent cette communication corporate.
A signaler : cette image cool est sans doute plus facile à incarner avec un statut d’outsider. Les succès commerciaux de l’iPod, de l’iPhone et de l’iPad, qui propulsent Apple sur le devant de la scène, expliquent en grande partie qu’Apple soit de plus en plus critiqué, sur un registre qui rappelle les critiques lancées à Microsoft quelques années plus tôt (tentation monopolistique, taux de marge abusif, solutions logicielles propriétaires).
Les « Stores », temples à la gloire d’Apple
Le modèle économique d’Apple s’appuie désormais sur un réseau de distribution propre : les « Apple Store ». Le premier magasin date de 2001 seulement. Aujourd’hui, ce sont près de 300 boutiques à travers le monde qui représentent pas moins de 1/5e des revenus de la firme (selon Management). Avec une moyenne de 30 000 € de rendement annuel au mètre carré, les Apple Stores affichent une insolente santé économique.
Un succès qui réside là encore dans la mise en scène de la philosophie maison : cool, esthétique et chic. Apple n’hésite donc pas à s’installer à grand frais dans les emplacements stratégiques, sur les avenues les plus chères des grandes capitales (A New York, sur la 5e avenue ; à Londres, sur Regent Street, à Paris au Carrousel du Louvres et à Opéra ; à Tokyo dans le quartier Ginza…). L’emplacement idéal pour bâtir un temple à la gloire – et à l’image – d’Apple. En utilisant une architecture contemporaine, aérée et épurée, mais pas seulement, comme l’explique un dirigeant d’Apple :
« Nous avons dépensé des sommes colossales dans l’emplacement, le design, le personnel et le service de nos magasins, en faisant le pari que cela générerait d’avantage de trafic et de chiffre d’affaire »
Car dans la cathédrale de verre, on trouve également des produits Apple en libre utilisation. Encore plus convivial : des conseillers nombreux, distribuant leur carte de visite aux clients.
Apple mise sur le haut de gamme, en mode « fun », et le pari s’avère payant.
Source : Management (mars 2010)
La formation d’une communauté Apple
Le positionnement d’Apple n’est pas qu’un acte de communication : la firme est parvenue, plus que toute autre, à se former une communauté. Les « Apple-maniaques » témoignent d’un attachement parfois fanatique à l’entreprise, un cas unique dans le marché des biens technologiques et même au-delà.
L’« expérience » Apple se conjugue non seulement sur une gamme assez large de produits (ordinateurs, baladeurs, téléphones, tablettes, etc.), mais aussi sur des logiciels (le lecteur de musique iTunes, le navigateur Safari, le système d’exploitation Snow Leopard en général, etc.). D’autant que la complémentarité entre le matériel et le logiciel est une des caractéristiques d’Apple : le détenteur d’un iPod est un client captif de la plateforme de téléchargement légal et payant de musique iTunes.
Autant d’occasions pour Apple d’inviter ses utilisateurs à pénétrer son univers graphique et la philosophie d’entreprise. Et de renforcer ce côté communautaire.
Le placement de produits, récompense d’un marketing audacieux
Ce n’est plus un scoop, Apple bénéficie d’une excellente visibilité dans les productions audiovisuelles. Entre 2001 et 2009, les apparitions de produits Apple dans les films en tête du box-office américain auraient été de 102 sur 302 films (un tiers donc)1.
Et les séries ne sont pas en reste, bien au contraire.
Même2 les personnages geeks jusqu’à la caricature de la série The Big Bang Theory utilisent les produits Apple (à lire en anglais).
Il existe des arguments pertinents pour dire que l’orchestration de ce placement de produits est largement exagérée.
Cela dit, ce type de pratiques sert l’intérêt mutuel d’Apple comme des réalisateurs : Apple gagne en notoriété sans passer par d’onéreuses campagnes publicitaires traditionnelles, et les personnages des séries et films gagnent en image cool, passant pour créatifs et connaisseurs en informatique pour le commun des mortels.
On dit même généralement que les « bons » utilisent les Macs, tandis que les « méchants » ont tendance à utiliser un PC. Mais l’auteur a une trop faible culture des séries et des films concernés pour citer un exemple : et vous, sauriez-vous trouver un cas bien manichéen d’opposition Apple / PC dans un film ou une série ?
1) Selon la firme Brandchannel, qui liste les apparitions de marques dans les films (à lire en anglais).
2) Justement, diront peut-être certains aficionados de la marque ; toutefois, la majorité des représentants de la culture geek rejette Apple tant par choix « intellectuel » (rejet de ses solutions logicielles fermées) qu’affectif (malaise à l’égard de produits « bobos », petit bourgeois, facile d’utilisation, fermés à tout paramétrage ou intervention experte).
L’art du buzz, la stratégie commerciale d’Apple
Clairement identifiée, positionnée sur des produits « cools » et haut de gamme, Apple a les clés en main pour créer le buzz. Et ne s’en prive pas : la firme de Cupertino développe une stratégie de distribution pour le moins audacieuse.
Après avoir savamment cultivé l’intérêt de sa communauté de fans pour son prochain produit, elle organise les pénuries dans la distribution de celui-ci. Ainsi, même le géant français de l’électronique grand public qu’est la FNAC a dû se plier aux exigences d’Apple pour la commercialisation de l’iPhone. Le quota d’iPhones vendu via la FNAC était conditionné aux résultats des ventes d’iPods – une façon de recycler le buzz du nouveau produit pour l’ancien, en stimulant les vendeurs d’une grande enseigne.
Car il est difficile, même pour un grand groupe de distribution, de tourner le dos au marché des produits Apple. Quitte à accepter ce type de conditions. Les opérateurs de télécoms ont ainsi l’obligation de favoriser la vente des iPhones par rapport aux autres téléphones. Pour ce faire, ils leur accordent un emplacement plus avantageux dans le magasin ou relèvent l’intéressement des vendeurs sur ces produits. L’opérateur serait même obligé d’accorder une ristourne de 20% plus importante sur le prix du téléphone (vendu avec son forfait) que pour les autres téléphones.
Source : La Tribune
Publicité : le prestige d’Apple s’avère lucratif
Passer ses annonces publicitaires gratuitement, impossible ? Pas pour Apple ! Car faire pencher le rapport de force en sa faveur grâce au buzz orchestré de ses produits, c’est une recette qui fonctionne également avec la publicité. C’est ce que fait Apple, en s’appuyant sur la sévère concurrence des opérateurs téléphoniques et fournisseurs d’accès Internet sur la commercialisation des iPhones et iPads.
L’iPhone notamment a été l’occasion pour Apple de faire de la réclame à peu de frais, puisque les opérateurs téléphoniques partenaires (Orange, SFR, Bouygues Telecom) ont assuré les coûts de la campagne publicitaire presse d’Apple, en échange du droit d’ajouter leur logo dans ces réclames.
Dans son premier contrat avec Apple, Orange avait même pris l’engagement de rembourser la moitié des frais de la campagne publicitaire TV pour l’iPhone.
Source : La Tribune
Apple reprend la main sur les applications
Apple a changé les conditions d’utilisations de l’Apple Store en ligne : les « apps » (comprenez « applications ») qui donnent tout leur intérêt aux smartphones iPhones et aux tablettes iPad.
Ces applications, éditées souvent par des prestataires extérieurs (agences web diverses, ou entreprises souhaitant s’assurer une certaine visibilité sur ces supports, notamment les journaux), ne pourront désormais plus être facturées par ces mêmes prestataires. L’API de facturation d’Apple deviendra, en juin 2011, le canal obligatoire pour la commercialisation de ces applications.
Conséquence ? Apple garde la main sur les applications mises à disposition de ses utilisateurs, et compte bien désormais priver les éditeurs de presse de proposer des applications iPad à leurs abonnés des versions papier.
Les journaux, qui ont dépensé des frais pour créer leur version iPad et pour communiquer auprès du public à leur sujet, en seront pour leurs frais.
Apple imposerait ainsi, selon le GESTE (Groupement des Editeurs de Services en Ligne), un surcoût de 30% sur ces applications. De quoi dissuader les éditeurs de presse d’offrir une application iPad avec un abonnement (généralement établi à 15 € par mois pour un quotidien).
La prétention monopolistique d’Apple sur cette facturation fait actuellement l’objet d’un bras de fer entre le GESTE et Apple, le premier souhaitant l’intervention des autorités de la concurrence.
Mais surtout, aucun abonnement multi-plateforme (papier, web, iPad, tablette Android) ne pourrait être proposé à un client, Apple faisant bande à part. Et la relation client entre les éditeurs d’applications et leurs clients serait brisée par Apple, qui ferait écran entre les deux.
Une protection judiciaire pour défendre son image
La face cool d’Apple ne doit pas faire oublier une face plus austère. La firme de Cupertino est passée maître dans l’art de verrouiller les critiques publiques qui pourraient lui être adressées.
Que ce soit auprès de ses fournisseurs, distributeurs, des opérateurs partenaires, Apple prend soin d’encadrer ses relations commerciales d’accords de confidentialité stricts. « Un mot sur Apple et c’est ma responsabilité pénale qui est en jeu », aurait lâché, sous anonymat, un dirigeant soumis à l’un de ces accords de confidentialité, interrogé par La Tribune.
C’est sans doute pourquoi le savant mystère qui entoure la sortie d’un nouveau produit Apple reste sous le contrôle d’Apple : pas ou très peu de fuites ne viennent saper le buzz élaboré avec soin par les communiquants de la marque à la pomme. La magie quasi-mystique qui saisit la communauté Apple lors de la sortie de ces nouveautés opère ainsi à souhait, comme en janvier 2010 avec la sortie de l’iPad, ou actuellement avec les rumeurs (vraisemblablement très contrôlées) autour de l’iPad 2.
La carte SIM embarquée, nouvelle pomme de discorde entre Apple et les opérateurs téléphoniques
Apple, encore fraîchement arrivé sur le marché de la téléphonie mobile, envisage désormais d’y asseoir son emprise. Le projet de la firme est de proposer une carte SIM intégrée dans ses iPhones, histoire de s’affranchir définitivement de ses partenaires que sont les opérateurs téléphoniques.
Les opérateurs téléphoniques du monde entier, réunis dans la GSM Association, ne s’est pas fait attendre. Brandissant le spectre d’un nouveau standard de carte SIM, les opérateurs ont a refroidi les ambitions d’Apple, qui préfère attendre 2012, et qui se méfie de la concurrence croissante des smartphones fonctionnant sous Android.
Si la bataille n’est pas encore totalement engagée, elle s’annonce toutefois irrémédiable : le procédé de la carte SIM embarquée dans le téléphone ouvrirait la voie aux paiements bancaires par téléphone, un axe de développement de plus en plus incontournable dans le paysage des NTIC.
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