L’Europe rentre dans la crise politique par l’Est

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Séisme politique en Europe de l’Est, avec les démissions des gouvernements hongrois et tchèques. L’avenir de l’Union Européenne est concerné. Le populisme eurosceptique pourrait en profiter.

Deux gouvernements européens sont tombés à trois jours d’intervalle. Samedi 21 mars, Ferenc Gyurcsány, Premier ministre hongrois, a annoncé sa démission à la surprise générale. Trois jours après, c’est au tour du Premier ministre tchèque Mirek Topolanek de renoncer à ses fonctions, après le vote de motion de censure par le Parlement.

Déjà, on parle de crise politique pour les pays d’Europe de l’Est. Le contexte de crise économique générale accentue la portée de l’évènement ; la présidence tchèque de l’Union Européenne le dramatise davantage encore.

Mais c’est surtout la fin de non recevoir envoyée par le sommet européen du 1er mars dernier qui donne à la démission du Premier ministre hongrois toute sa signification. Ferenc Gyurcsány avait alors vu son idée de plan d’aide spécifique pour le secteur financier en difficulté des pays d’Europe de l’Est rejetée sine die par les chefs d’Etat et de gouvernements européens. Le Premier ministre avait appelé solennellement à ce qu’aucun « nouveau rideau de fer ne tombe sur le continent ».

Il tire finalement sa révérence en laissant derrière lui un pays particulièrement frappé par la crise économique, de l’étranglement du crédit à l’effondrement de l’investissement en passant par la chute de la production manufacturée et par la hausse du chômage. Son échec à obtenir une aide spécifique de l’Union Européenne face à cette crise lui aura porté le coup de grâce.

Parallèlement, l’appel conjoint de la Hongrie et de la Pologne d’étendre la zone Euro aux pays d’Europe de l’Est a été également rejeté, renforçant l’impression de fermeture des institutions communautaires aux pays de l’Est.

La situation est a priori assez proche en République tchèque. Le Premier ministre Mirek Topolanek (centre-droit) y a remis jeudi dernier sa démission, deux jours après avoir été renversé par une motion de censure. L’opposition reprochait depuis plusieurs mois au gouvernement d’avoir tardé à approuver un plan de relance face à la crise économique. Mais au-delà des questions économiques, là encore c’est l’Union Européenne dans son ensemble qui est interpellée par cette chute de gouvernement.

Le soutien de Mirek Topolanek au traité de Lisbonne, sensé améliorer le fonctionnement institutionnel de l’Union Européenne, explique en fait la défection de plusieurs députés de son propre parti, traditionnellement souverainiste et eurosceptique.

L’Europe traverse donc une période troublée, présidée par une République tchèque dont le président hésite encore entre former un nouveau gouvernement Topolanek ou faire appel à une personnalité plus droitière. Mais c’est surtout la perspective de la ratification du traité de Lisbonne par le Sénat tchèque qui attise les spéculations. Le Premier ministre démissionnaire, chargé des affaires courantes, s’est empressé mercredi 25 mars de « tout mettre en œuvre pour tenir l’engagement tchèque de ratifier le traité de Lisbonne ».

Les hauts responsables européens et des différents Etats membres ont donc les yeux tournés vers la République tchèque, dont dépend une grande partie du devenir de l’Union Européenne. Ce pays est en effet avec l’Irlande, qui doit organiser un nouveau référendum, le seul des 27 Etats-membres à ne pas encore avoir achevé le processus de ratification de la réforme institutionnelle de l’UE, indispensable à son entrée en vigueur.

La crise économique et financière mondiale fait connaitre ses premières conséquences politiques en Europe. Au-delà des scènes politiques tchèques et hongroises, c’est toute l’Union Européenne qui pourrait être affaiblie. Les partis populistes souverainistes et eurosceptiques, prompts à dénoncer une Europe bureaucratique et inutile, sont d’ores et déjà très puissants dans tous les pays de l’Europe de l’Est. Ils tiennent là une occasion de soutenir à celle-ci que l’Europe signifie davantage de devoirs que de bénéfices.

Le vote du Sénat tchèque en avril pourrait dans ces conditions être décisif.

Antony Drugeon, le 29 mars 2009

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