Il n’est pas si courant de pouvoir dire le texte d’une pièce de théâtre devant son auteur. Encore moins lorsqu’il s’agit de Koffi Kwahulé, dramaturge ivoirien parmi les auteurs africains les plus représentés au monde. Et les 12 apprentis comédiens qui se sont frottés à l’exercice jeudi 3 décembre à l’auditorium St Germain de Poitiers étaient encore intimidés par le personnage. « Je suis arrivé seulement ce matin », a expliqué Koffi Kwahulé, venu pour un stage de théâtre de 6 jours avec ces étudiants. Le temps de faire plus ample connaissance, autour d’ateliers d’écriture théâtrale. « Je l’ai invité après avoir vu sa pièce Jaz à Paris », s’est enthousiasmé Agnès Delune, professeur de théâtre au Conservatoire régional.
« Dire, c’est déjà jouer », certifie l’auteur. Et ce que les jeunes acteurs ont donc joué, avec pour seule arme leur voix, transportait une émotion abrupte, rauque, crue parfois. Inspirée par les mélodies heurtées du jazz, la plume de Koffi Kwahulé aborde avec fluidité et puissance des thèmes tels que la violence, le désir, l’autorité, l’avortement… « Presque tous mes personnages sont des femmes », confie Koffi Kwahulé. « Dans toutes les sociétés, le sort de la femme conditionne les autres exclusions », argumente-t-il.
Nul message défini pour autant ne jaillit dans ce feu d’artifices de répliques, qui parfois ne se répondent pas, ou indirectement. « J’aime travailler dans l’urgence, il faut écrire vite », justifie K. Kwahulé, pour qui le théâtre doit « laisser sa place au hasard, à l’interprétation ». Un théâtre du ressenti plus que de l’intellect. « Je ne comprends pas ce que j’écris, c’est de l’émotion, je ressens seulement que c’est juste », avance-t-il. Une justesse dans l’émotion qui a su touché juste, suscitant tout à tour rires et silences effarés dans un public conquis.
Antony Drugeon, correspondant La Nouvelle République, le 9 décembre 2009
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