Avec le #Danielgate, zoom sur une exaspérante presse marocaine

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Je me suis arraché les cheveux à essayer de retracer le fil des événements dans le fait divers lui-même (même si ce n’est pas l’essentiel à mon sens, moins que les manifestations que vit actuellement le Maroc). Essayons d’appliquer la bonne vieille règle journalistique des 5W à ce sordide fait divers, passé à la moulinette du pire des blogueurs marocains ou plateformes d’info.

QUI ?

Comment s’appelle le pédophile ?
Allez savoir pourquoi, le pédophile s’appelle quelquefois Daniel Galvan Viña, et quelquefois Daniel Fino Galvan ou encore Daniel Fina Galvan. Et la presse en ligne lui abrège son nom en Daniel K.V. ou en GBS.. Admettons, avec les noms espagnols, c’est souvent compliqué. Mais dans l’article très fourni et plein de détails du blog Faits divers marocains, on remarque qu’au début de l’article le pédophile s’appelle Daniel, avant de subitement devenir… David ! On a tout de suite envie de faire confiance au reste de l’article. Qui est anonyme, ne mentionne aucune source (on ignore s’il relate le procès ou des témoignages policiers et des voisins) ni ne comporte la moindre citation.

Combien de victimes ?
Une info tellement essentielle qu’elle semblerait hors de toute imprécision. Et pourtant si. En décembre 2010, Bladi nous informe que ce sont 7 enfants qui ont été les victimes de ce pédophile. Généralement, on trouve le bilan de 11 enfants. Sauf pour l’article de Faits divers marocains, qui indique que « La police fait le tour des enfants ayant entré en contact du pédophile. 12 au total dont la plus jeune » (on notera au passage la maîtrise approximative de la langue). Bladi mentionne finalement à partir de 2011 « une dizaine d’enfants », emballé c’est pesé.

QUOI ?

L’une des imprécisions majeures concerne le chef d’inculpation. La confusion entre viol et agression sexuelle est courante. Sur Bladi, on mentionne les chefs d’inculpation de : « pornographie et abus sexuels », sans préciser s’il s’agit d’abus sexuel avec viol ou pas. Au passage, le titre dit qu’il est condamné, l’article dit qu’il est accusé… passons sur cette regrettable imprécision.
L’article du blog Faits divers marocains mentionne lui au moins un viol sur un cousin de 13 ans de l’une des victimes habituelles, et en suggère un autre sur une fillette de 2 ans. On se demande au passage comment l’auteur peut savoir que « Dans son salon, est accrochée une aquarelle représentant deux enfants nus qui se bécotent… ». La force de l’investigation du blogueur sans doute.

On ne sait pas clairement ce que la police a trouvé au domicile de Daniel, à Kénitra, lors de la perquisition en novembre 2010 : dans cet article non signé du 2 décembre 2010 sur Bladi, l’auteur étant inspiré, « la police a saisi du matériel informatique contenant des photos et des vidéos à caractère pédophile avec des enfants du quartier ». En revanche, sur le récit de Faits divers marocains, « Une perquisition domiciliaire se solde par la saisie de son microordinateur, son caméscope et ses téléphones portable. Rien d’illégal n’est trouvé dans ce matériel mais juste plein de photos de fillettes radieuses en train de jouer près de l’immeuble comme si le pédophile saisissait sur le vif les corps de ses fantasmes bestiaux. Des DVD pornographique et un godemiché, c’est tout ce que les enquêteurs trouvent à saisir chez lui. »
Mais de son côté, L’observateur a eu plus de chances dans ses recherches : « La PJ saisit son matériel informatique, une caméra numérique, un appareil photo, un PC portable, 4 CD, 12 DVD, et un godemiché de bois couvert de cire rouge. […] Des centaines de photos et de vidéos de jeunes filles et d’enfants nus, subissant les sévices sexuels du pédophile. »

OÙ ?

A Kénitra. Ouf, là tout le monde est d’accord.

QUAND ?

On ne sait pas s’il était installé à Kénitra depuis 2004, comme le veut la version Bladi, ou depuis 2005, comme pour Faits divers marocains.

COMMENT ?

Mais ce serait « d’après un voisin » que ce Daniel « achetait des bonbons aux enfants et organisait des fêtes », sans qu’on sache qui a récolté ce témoignage un peu cliché : enquêteurs dont le rapport a étayé l’accusation du procureur du roi, que les journalistes ont relevé ? Ou un journaliste traînant dans le quartier à la recherche de voisins plus ou moins avérés ?

L’article anonyme du blog Faits divers marocains développe à partir de cette même « info » : « Il était toujours aux petits soins avec les petites filles des voisins à qui distribuait-il à profusion bonbons,  jouets et des vêtements amenés de ses voyages fréquents en Espagne. »

Et comment l’affaire a éclaté ? Au départ, un voisin qui cherche à vendre deux clés USB de l’Espagnol. Mais dans la version de L’observateur, à la fin du paragraphe, les clés USB sont devenus un CD. Retour vers le futur ?

On ne se lassera pas non plus des formules choisies par l’auteur pour montrer qu’il est un journaliste engagé : « Plongée dans le monde glauque d’un monstre urbain » ; « Son apprentissage rapide de la darija, le dialecte marocain, l’aide dans sa criminelle entreprise. » ou encore « Verdict lourd de 30 ans, certes, mais si peu pour ce criminel sans humanité. ».

Juste pour dire à tous ceux qui comme moi s’intéressent au Maghreb d’une part et au web d’autre part qu’il vaut mieux malheureusement rester vigilant quand on associe les deux.

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