Profil bas pour Al-Jazira

Antony DRUGEON

Animateur de communauté associative

Juil 12, 2008
Profil bas pour Al-Jazira

Stratégie tout en humilité pour Hassan Rachidi, directeur du bureau d’Al Jazira de Rabat, inculpé pour propagation de « fausses informations » suite aux violences de Sifi Ifni, ayant fait état de « un à cinq » décès, avant de démentir. Profitant du retrait de sa défense qui protestait contre de nombreux vices de forme, Hassan Rachidi a présenté ses excuses devant la cour. Il a même délivré un certificat de patriotisme en déclarant qu’il « était fier d’être Marocain et qu’il avait été accusé à plusieurs reprises par les autorités algériennes d’être un agent des services marocains ». Pour sa défense, M. Rachidi a rajouté qu’il s’était basé sur des sources émanant « d’organisations de droits de l’homme reconnues par l’Etat et que le démenti des autorités était venu fort tard ». Il a souligné que seul le siège de la chaîne qui se trouve au Qatar pouvait présenter des excuses, suggérant même que la ligne éditoriale lui échappait et restait du ressort de Doha. Le tribunal, qui a refusé à M. Rachidi la convocation de témoins à décharge, devait délibérer vendredi 11 juillet.

Antony Drugeon, LE JOURNAL HEBDOMADAIRE, 12 juillet 2008

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Juil 12, 2008
Grève au sein de la rédaction d’Al Bayane

Journalistes Les raisons de la colère

Avis de tempête au sein de la rédaction d’Al Bayane. Le quotidien de gauche est secoué par un mouvement social, qui l’accuse de détourner les cotisations CNSS et CIMR de certains salariés et de ne pas respecter le salaire minimum défendu par la convention, selon Nouri Hakim Benslimane, journaliste à Al Bayane et membre du Syndicat National de la Presse Marocaine. Parallèlement, les journalistes femmes de la rédaction dénoncent « un traitement basé sur la discrimination » déplorant « harcèlement moral, […] humiliation » et inégalités face aux congés. Une grève d’une heure devait être observée vendredi 11 juillet. Le conflit avait déjà provoqué une grève semblable le 27 juin. « A l’avenir nous envisageons d’organiser une conférence de presse pour alerter l’opinion sur la situation, si rien ne bouge » avertit Soumia Yahia, journaliste à Al Bayane. Accusations que rejette Ahmed Zaki, directeur de la publication d’Al Bayane : « personne n’est sous payé, certains veulent simplement ne pas être au salaire minimum », ou qu’il avoue « ne pas comprendre : depuis 2003 nous avons justement régularisé la situation des cotisations ». Quant aux femmes, M. Zaki parle de mises en garde régulières, faute d’assiduité. Un vrai dialogue de sourds.

Antony Drugeon, LE JOURNAL HEBDOMADAIRE, 12 juillet 2008

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Mar 20, 2007
Algérie : le malheur des uns fait-il le bonheur des autres ?

La couverture des évènements tragiques en Algérie trahit quelquefois une forme de complaisance, de réjouissance même. Les citoyens suivent-ils ?

Affaire Khalifa, terrorisme islamiste, émeutes, inondations… L’actualité n’est, il est vrai, pas tendre avec l’Algérie. Mais les titres des journaux semblent en rajouter. Relations diplomatiques tendues oblige, le malheur d’Alger fait le bonheur de Rabat, et vice-versa. Mais ces joutes diplomatiques touchent-elles les Marocains, au jour le jour ? Le fait est que les journaux proposent souvent des titres engagés, en particulier sur la question des provinces du sud.

Mais il n’est pas rare de déceler sur des questions internes à l’Algérie des formulations insidieuses. Ainsi l’agence officielle Maghreb Arabe Presse (MAP), lors des inondations de la fin février dernier au sud d’Alger, saute sur l’occasion pour mettre en exergue les manifestations qui leur ont succédé : « Les protestataires (…) se sont révoltés contre l’absence de toute aide des autorités après l’inondation de leurs habitations, suite aux fortes pluies de la veille » (27 février 2006). Autorités incompétentes contre population excédée ? Un schéma certainement pas caricatural, du reste, mais volontiers approuvé tacitement, comme lorsque de « violentes émeutes » ont éclaté suite à la mort d’un citoyen abattu par des gendarmes pour avoir refusé de s’arrêter dans un barrage dressé sur la route nationale d’un village : « Un gendarme a tiré à bout portant, tuant sur le coup le récalcitrant, et c’est alors que la population de la région s’est organisée en un temps record et a provoqué une émeute des plus violentes » (MAP du 8 mars 2006).

Khaled, la réconciliation algéro-marocaine?

L’échec de la charte de réconciliation nationale, attesté presque chaque jour par les embuscades et attentats des salafistes algériens, est une cible encore plus facile. Une cible qui s’adresse peut-être avant tout aux électeurs marocains, alors que le score des islamistes aux prochaines élections est le point d’interrogation principal de ce scrutin.
Remettre en cause le bien-fondé de la fermeture de la frontière avait valu au président de la Commune urbaine d’Oujda, début décembre dernier, de vives critiques (voir Libération du 9&10 décembre 2006).
L’Algérie-épouvantail, une méthode efficace ? De fait, les sentiments des Marocains sont ambivalents sur la question. Entre les déclarations panarabes, pan-maghrébines, et le patriotisme blessé par le « faux-frêre algérien », la schizophrénie sociale est (là encore) la norme. Si les points communs sont nombreux, le patriotisme de nombreux Marocains les conduit à diaboliser Alger.

Mais derrière cette hostilité affichée, le rapprochement serait plus d’actualité que les tensions. C’est en tout cas ce que défend l’historien français Benjamin Stora, spécialiste du Maghreb, qui écrit dans Algérie-Maroc. Histoires parralèles, destins croisés (2002) que la réconciliation entre les deux pays se fera « par en bas ». Musique, culture, aspirations, scène politique, pyramide des âges, tout rapproche les deux voisins : « Pourtant, en dépit de (leurs) différences, l’un et l’autre ont vu émerger des sociétés civiles qui ont pour caractéristique à la fois de ne pas se sentir représentées par les vieilles classes politiques encore aux commandes et d’aspirer à la modernité. Au Maroc comme en Algérie, des sociétés jeunes et urbaines veulent plus de vérité, de justice, d’Etat de droit, de démocratie. Dans les deux pays, aussi, on assiste à un intérêt nouveau pour le passé proche. La découverte d’une histoire récente, sujette à polémique et longtemps occultée, donne parfois lieu à de grands déballages » écrit ainsi le journal français L’Express sur l’ouvrage de B. Stora. Le concert de Khaled, à Sidi Bernoussi, à Casablanca, le 15 juillet dernier, est un symbole à lui de cet état de fait : le maître du raï, les épaules couvertes des drapeaux algérien et marocain, y avait été ovationné par plus de 200.000 personnes. Qui avaient envie de parler de tout sauf de politique.

Antony Drugeon, LIBERATION, le 20 mars 2006

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