Exposition « Amour et méditation», contre le Sida.
L’exposition du voyage intérieur
Ahmed El Amine expose des œuvres tout en sensibilité et pudeur sur les autres, dans un esprit teinté de soufisme, et se mobilise ainsi contre le Sida.
Le soufisme s’invite en force dans les tableaux d’Ahmed El Amine. Ce peintre amoureux de la quête perpétuelle du style comme de la technique expose actuellement ces œuvres au café Amphytrium de Casablanca, avec cette inspiration soufie revendiquée : les tableaux, tout en retenue, en discrétion, semblent des songes échappés de l’esprit méditatif de leur auteur. Clairement, les personnages, en cercle, vêtus de façon ample, asexués, communiquent une impression de solidarité tranquille, la cohésion de tous se faisant comme par évidence, sans heurts ni relation de pouvoir. L’être est là, avec sa dignité, sa retenue, sa différence aussi. Petits ou grands, plutôt hommes ou femmes, tous finissent par fusionner en bas de tableaux en une seule étoffe, impression accentuée par la peinture ou les traces d’eau coulant volontairement. Les couleurs, chaudes, mais opaques, invitent à voyager, peut-être jusqu’en Afrique, au moins jusqu’à Marrakech. Variations de couleurs ocres, toutes homogènes, les tableaux dessinent un univers en soi, où la vitesse est inconnue, où l’ode à la douceur est permanent. A l’unisson en se tenant par les bras, créant un cercle de pureté par leur entente, ou se faisant face comme pour se chercher, ces personnages indistincts et pourtant pluriels posent la question du vivre-ensemble. Vivre ensemble possible dans le recueillement, le respect, l’humilité.
Mais deux périodes, deux inspirations s’affrontent dans cette même exposition. D’autres toiles, plus lumineuses, aux couleurs froides et vives, vont encore plus loin dans la dépersonnalisation des personnages. Formes géométriques et grands aplats de couleur s’articulent pour suggérer des visages, des corps, des situations. Le visiteur est laissé libre de donner à la toile son sens, et même son titre.
Le baiser, les couples sur des bancs, la femme avec son enfant, sont autant de figures éternelles et innocentes où la sensualité et l’imagination du visiteur s’exprimeront avec liberté, le peintre revendiquant fièrement le rôle actif du spectateur dans la peinture.
Une position plus que jamais d’actualité puisque cette exposition se donne une ambition sociale, à laquelle le visiteur est invité à participer lui-même. En effet, 20% du prix de chaque œuvre est reversé à la fondation Sida Entreprises Maroc, plate-forme d’entreprises œuvrant à la lutte contre le Sida au côté de l’ALCS (Association de Lutte Contre le Sida), et qui a déjà, à son actif, la réalisation de formation de pairs éducateurs dans les entreprises pour y faciliter la sensibilisation au sein du monde du travail. Le nom de l’exposition, Amour et méditation, renvoie donc autant aux sujets évoqués qu’à la démarche. A méditer.
Antony Drugeon, LIBERATION, le 4 décembre 2006
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