Lula favori pour se succéder à lui-même

Antony DRUGEON

Animateur de communauté associative

Sep 29, 2006
Lula favori pour se succéder à lui-même

Derrière la réélection de Lula, c’est l’avenir de toute la gauche latino-américaine qui est en jeu.

Au premier ou au second tour, Lula, sera réélu à la présidence du Brésil. L’incertitude concerne donc moins le résultat que le score. Et l’enjeu de cette élection dépasse le seul Brésil, tant Lula est devenu l’icône de la gauche latino-américaine. Luiz Inacio Lula da Silva devra faire plus de 50% des suffrages pour être réélu dès dimanche. Face à lui, le candidat de centre-droit Geraldo Alckmin, crédité de 28 à 33% des intentions de vote, et Ana Maria Teixeira Rangel, transfuge du Parti des Travailleurs, déçue par Lula, qui représente la gauche radicale, recueillant 9% des intentions de vote. Ce qui peut sembler dérisoire. Cependant, c’est elle qui est en position de mettre en ballotage Lula. Lequel oscille entre les 48 et les 53% en fonction des sondages. Etant donné que Lula ne pourra se représenter en 2010, il n’est pas impossible que Ana Maria Teixeira Rangel devienne le recours de la gauche brésilienne, si jamais elle parvient à faire trébucher le président Lula. Car Heloisa Helena capitaliserait alors suffisamment de notoriété, qui pourrait l’aider pour briguer à nouveau la présidence, en 2010, avec peut-être l’appui du président vénézuélien Hugo Chavez. Le Mouvement de libération des sans terre, qui mit à sac le Congrès (Parlement) de Brasilia en juin dernier, pourrait être son bataillon de choc. Sénatrice expulsée du PT de Lula pour son opposition à une réforme sociale qui soumettait les retraités à l’impôt, dénonçant « l’embourgeoisement » du PT, Heloina Helena a une fibre d’apparence bolivarienne. Et en Amérique latine, les candidats proches de la « révolution bolivarienne » du président Chavez se sentent pousser des ailes. Les succès électoraux en Bolivie, au Pérou et dans une certaine mesure au Mexique des candidats proches du président vénézuélien ne demandent qu’à s’étendre, compte tenu du soutien dont ils bénéficient. Une offensive, discrète ou non, de la gauche castro-bolivarienne soutenue par Caracas, La Havane et La Paz ne devrait pas tarder à être lancée en vue de la relève de Lula en 2010. Faire basculer dans le camp de la gauche radicale le Brésil, première puissance du sous-continent, 5e pays du monde par sa population (185 millions) et 13e économie mondiale (en 2005) aurait des conséquences continentales et planétaires. Ce pourrait être la victoire la plus retentissante d’Hugo Chavez. Ce week-end donc, les électeurs brésiliens sont invités à redistribuer les cartes de la gauche latino-américaine.

Antony Drugeon, LIBERATION, le 29 septembre 2006

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Sep 27, 2006
Hariri: la thèse de l’attentat suicide au camion piégé confirmée
Manifestation de partisans de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri, demandant l'élucidation de son assassinat.
Manifestation de partisans de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri demandant l'élucidation de son assassinat.

Le rapport des enquêteurs onusiens se garde toutefois d’incriminer la Syrie.

De nouvelles analyses effectuées par la commission d’enquête de l’ONU sur l’assassinat de Rafic Hariri confirment la thèse selon laquelle l’ancien Premier ministre libanais a été tué lors d’un attentat-suicide au camion piégé, selon un rapport publié lundi. Par ailleurs, dans ce nouveau rapport, les enquêteurs de l’ONU apportent des précisions sur le kamikaze: il s’agit probablement d’un jeune homme âgé entre 20 et 25 ans qui ne venait pas du Liban, selon des examens effectués par des médecins légistes, grâce à une couronne sur une dent portant « une marque distinctive » laissant penser que le kamikaze ne venait pas du Liban.

Depuis un certain temps, les enquêteurs de l’ONU travaillaient sur l’hypothèse d’une bombe placée dans un minivan Mitsubishi et déclenchée par un kamikaze. Les nouvelles analyses corroborent cette hypothèse, en précisant que le kamikaze se trouvait soit à l’intérieur du van soit devant le véhicule et que la bombe était probablement composée de 1.800 kilos d’explosifs. En outre, la commission est de plus en plus convaincue du lien entre 14 attentats commis dans cette période au Liban : « la commission a renforcé sa conclusion préliminaire que les 14 cas n’ont pas été commandités ou exécutés par 14 groupes ou personnes différents avec des motifs séparés et elle développe des preuves qui lient les cas entre eux », assure le rapport.

Les enquêteurs de l’ONU placés sous l’autorité du procureur belge Serge Brammertz notent également que la Syrie s’est montrée globalement coopérative avec eux, alors que Damas avait été précédemment accusée de faire obstruction à l’enquête. Contrairement à son prédécesseur l’Allemand Detlev Mehlis, Serge Brammertz s’abstient de toute théorie ou spéculation sur les commanditaires ou les responsabilités. Ses rapports se révèlent être surtout des documents techniques. Le document remis lundi à M. Annan est le cinquième depuis l’ouverture de l’enquête de la commission créée par une résolution de l’ONU le 15 décembre 2005. Elle doit faire la lumière sur la mort de Rafic Hariri, tué dans un attentat à la voiture piégée devant l’hôtel St-Georges à Beyrouth, qui a aussi coûté la vie à 22 autres personnes.

Antony Drugeon, LIBERATION, le 27 septembre 2006

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Sep 25, 2006
Abbas au chevet du projet de gouvernement d’Union Nationale

Le Hamas hésite à franchir le pas, l’Europe assouplit les exigences pour la reprise de l’aide internationale.

La constitution du gouvernement d’union nationale a subi un sérieux revers suite aux propos vendredi du porte-parole du Hamas annonçant que le mouvement ne participerait pas à un gouvernement reconnaissant Israël. Elle était pourtant la seule option permettant à la Palestine de recouvrer l’aide internationale, conformément aux conditions posées par le Quartette pour le Proche-Orient (Etats-Unis, Union Européenne, Russie et ONU).

Le président palestinien, Mahmoud Abbas, rencontrera donc des responsables du mouvement Hamas lundi ou mardi dans la bande de Gaza pour tenter de relancer les discussions sur la formation d’un gouvernement d’union nationale, a fait savoir un de ses collaborateurs : « Il dira au Hamas, ‘si vous voulez un gouvernement d’union, il faut accepter certaines demandes de la communauté internationale, voilà la seule façon de former un gouvernement d’union’ », a ainsi expliqué Saëb Erekat, proche conseiller d’Abbas.

Le président palestinien a précisé que si la formation d’un gouvernement d’union permettait une reprise des négociations de paix, celles-ci seraient confiées, côté palestinien, à l’OLP, qu’il préside également. En outre, tout accord serait ensuite soumis soit à un référendum soit au Conseil national palestinien. Mais le Hamas semble revenir sur les gestes d’ouverture qu’il avait consenti jusque-là. Le ministre palestinien des Affaires étrangères, Mahmoud al Zahar (Hamas), est même allé plus loin: « C’est (reconnaître Israël, NDLR) la recette idéale d’une guerre civile car le peuple palestinien n’acceptera pas qu’on le prive de ses convictions »

De son côté, le Quartette assouplit ses exigences, du fait des pressions européennes, en venant de substituer les exigences strictes de reconnaissance du droit à l’existence d’Israël, renoncement à la violence et respect des accords passés, au simple « reflet de ces principes ».

Antony Drugeon, LIBERATION, le 25 septembre 2006

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Sep 4, 2006
De Cervantès à Molière, le coeur des Marocains vacille

Derrière l’essor des cours d’espagnols, c’est toute l’Espagne qui se rapproche des Marocains.

L’engouement pour la langue espagnole se confirme, alors que le français stagne. Le Maroc n’hésite certes pas entre les sommets de la francophonie et ceux des pays hispanophones, mais force est de constater que depuis quelques années la domination de la langue française comme deuxième langue du pays est écornée. Si le français est indubitablement encore première langue européenne au Maroc, c’est surtout la progression de l’espagnol qui étonne, comparativement à la stagnation du français. En effet la langue de Cervantès séduit de plus en plus de Marocains. Par exemple, les inscriptions en cours d’espagnol au sein des Instituts Cervantès sont passées de 2.900 en 1991 à 12.000 en 2006, instituts de Tanger, Tétouan, Fès, Rabat et Casablanca réunis. Soit une progression de 300 % en 15 ans ! A titre de comparaison, les cours de français à l’institut français de Casablanca ont attirés en 2005 27.800 personnes contre 4.400 à l’Institut Cervantès de Casablanca. L’espagnol, par rapport à son importance, s’en sort donc bien sur la scène marocaine des cours de langue. Les prêts de livres pour les instituts Cervantès et Français de Casablanca concernent respectivement 14.700 personnes contre 10.000. Le David espagnol rivalise donc avec le Goliath français. Les femmes sont plus nombreuses (53,3%) à apprendre l’espagnol dans les instituts Cervantès au Maroc et les jeunes de 17 à 25 ans représentent une proportion non négligeable (35%) des étudiants de ces instituts. Par ailleurs les inscriptions en université au sein des départements de littérature espagnole ont concerné l’année dernière pas moins de 2.600 personnes, réparties au sein des cinq universités proposant ce cursus au Maroc (Rabat, Fès, Tétouan, Casablanca, Agadir).

On le voit la « présence » espagnole au Maroc n’est pas exclusivement restreinte à l’ancien Rio de Oro, Madrid ayant fait le choix stratégique de jouer la carte du Maroc. Antonio Martinez Luciano, directeur de l’Institut Cervantès de Casablanca, explique d’ailleurs : « L’Espagne a implanté onze collèges et lycées au Maroc, et avec cinq instituts Cervantès, le Maroc est le pays le mieux desservi au monde » Comment expliquer cette situation? Pour M. Luciano, la réponse est double.

De la movida à la nayda

D’une part nombreux sont ceux qui estiment que le castillan peut les aider à s’intégrer plus facilement dans le marché de l’emploi, ou à ouvrir davantage d’horizons professionnels pour ceux qui travaillent, tant le français n’est souvent plus un moyen de se démarquer sur le marché du travail. Autre explication, culturelle et politique celle-là : les Marocains s’intéressent à l’Espagne, selon M. Luciano, parce qu’ils comparent la transition que vit actuellement leur royaume avec celle qu’a connu il y a encore peu de temps cet autre royaume plus au Nord. Transition espagnole qui fut protégée des forces réactionnaires par le monarque lui-même, lors du coup d’état pro-franquiste de 1981, où le roi s’était impliqué pour le maintien de la démocratie… et transition progressive pour ne pas heurter la force du catholicisme conservateur, tout en entrant de plein pied dans la modernité et l’Europe, la nayda faisant office de movida à la marocaine. Effectivement la comparaison entre les deux Royaumes voisins est inévitable, et comme l’explique Larbi El Harti, professeur de littérature espagnole à Casablanca, car « le sentiment affectif de proximité avec un pays est un corollaire de l’apprentissage d’une langue ».

Ce qui fait dire à Antonio M. Luciano que le français stagne, voire chancelle, victime de son statut de langue incontournable au Maroc, alors que l’espagnol progresse à vitesse grand V. Un jugement qui fait se dresser Jean-Jacques Beucler, directeur de l’Institut français de Casablanca : « Que les gens apprennent l’espagnol ou l’anglais ne signifie pas qu’ils se détournent du français » Et de rappeler la force de frappe française : avec 23 établissements scolaires au Maroc, la France y scolarise plus de 16.000 élèves, dont les deux tiers sont marocains. Et de rajouter subrepticement que lors des projections de films à l’institut, il n’est pas nécessaire de mettre le sous-titrage… A l’évidence le Maroc est membre à part entière de la francophonie, il ne peut être question d’en douter. D’ailleurs, comme le précise M. Beucler, les inscriptions pour les cours de français ont encore augmenté à l’occasion du mondial de football et du remarquable parcours des Bleus. Ribéry, Zidane et Henry, meilleurs remparts défensifs de la langue française? Si la langue française ne saurait être analysée comme en déclin, mais il se pourrait bien que l’espagnol s’implante à terme comme son alternative.

Antony Drugeon, LIBERATION, le 4 septembre 2006

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