Nicolas Sarkozy apporte son soutien au journal satirique, le Conseil français du culte musulman (CFCM) s’indigne.
Mercredi, s’est ouvert le procès du journal français Charlie Hebdo au tribunal correctionnel de Paris, poursuivi pour « injures publiques envers un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion » par la Grande mosquée de Paris (modéré) et l’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF), rejointes par la Ligue Islamique Mondiale. Une affaire qui prend une tournure politique puisque l’avocat du journal, Me Georges Kiejman, a lu à l’audience un courrier de soutien de Nicolas Sarkozy. Le ministre de l’Intérieur, chargé des cultes, y déclare préférer « l’excès de caricatures à l’absence de caricatures« , rendant au passage hommage à la tradition de la satire de la presse française. Le premier secrétaire du Parti Socialiste (PS), et compagnon de la candidate à l’élection présidentielle Ségolène Royal, François Hollande, a lui aussi pris parti au côté de l’hebdomadaire satirique. « Ce procès n’aurait jamais dû avoir lieu« , a estimé François Hollande, cité comme témoin par la défense du journal. « Il valait mieux un bon débat qu’un mauvais procès« , a-t-il expliqué à la barre mercredi. François Bayrou, candidat centriste (UDF) à l’élection présidentielle, présenté comme le troisième homme de celle-ci, est également venu défendre Charlie Hebdo.
Trois dessins sont en cause, dans cette édition du 8 février 2006, parue dans le tumulte lié à la publication des caricatures de Mahomet par le journal danois Jyllands Posten. En premier lieu, la couverture du numéro du 8 février 2006, réalisée par Cabu pour Charlie Hebdo, représentant, sous le titre « Mahomet débordé par les intégristes« , un prophète soupirant : « C’est dur d’être aimé par des cons« . Les deux autres dessins incriminés font partie des douze caricatures danoises, que le journal avait également republié : l’un représente le prophète coiffé d’un turban d’où sort la mèche d’une bombe, et le troisième, Mohamed sur un nuage accueillant des terroristes en leur disant : « Arrêtez, arrêtez, nous n’avons plus de vierges!« .
L’accusation des deux associations musulmanes repose sur l’amalgame fait selon elles entre musulman et terroriste. Ce que dément Philippe Val, directeur de la publication du journal. Selon lui, les caricatures incriminées ne portent pas en elles le moindre racisme. Si tel avait le cas, a-t-il assuré, son journal ne les aurait pas publié. « Lorsque la religion prétend organiser le collectif et la vie des autres, elle doit faire l’objet de critiques. Cela fait partie du jeu démocratique » a martelé Philippe Val dans une salle bondée où le public était acquis à sa cause. « Ces dessins s’adressent à des idées, pas à des hommes, à des idées défendues par des hommes qui commettent des actes violents », a-t-il rappelé pour justifier la publication de ces dessins. Antoine Sfeir, spécialiste du Proche-Orient cité par Charlie Hebdo, a déclaré que le recteur de la Grande mosquée de Paris, dont il est proche, avait eu recours à la justice « pour ne pas se faire déborder par les intégristes« . La fonction de M. Sarkozy, ministre de l’Intérieur, et chargé des cultes, a suscité la colère de certains membres du CFCM. Toutefois M. Sarkozy a pris soin d’intervenir en tant que candidat à la présidentielle et non en tant que ministre, d’où le renoncement du CFCM à exiger sa démission. La Grande mosquée de Paris, l’UOIF et la Ligue Islamique Mondiale, demandent chacune 30.000 euros de dommages et intérêts.
Antony Drugeon, LIBERATION, le 9 février 2007
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