La politique étrangère de Barack Obama sort du flou. Le président américain, promis selon les rumeurs à une rupture des liens Etats-Unis / Israël comme à un soutien sans faille à l’Etat hébreu, dévoile ses premières options. Celui qui a fait de la résolution du conflit israélo-palestinien la priorité de sa politique étrangère met un début de pression sur Israël. Sa visite en Israël en juin prochain fait monter les tensions, alors qu’il vient d’appeler de Turquie à renforcer les liens entre l’Occident et le monde arabe.
Annapolis. Le mot résume à lui-seul l’ampleur de l’incompréhension entre Barack Obama et Avigdor Lieberman. Le président américain a répliqué au nouveau ministre des Affaires étrangères israélien lundi 6 avril, s’exprimant devant le Parlement turc. « Les Etats-Unis soutiennent fermement l’objectif de deux Etats, Israël et la Palestine, vivant côte à côté pacifiquement et en toute sécurité. [L’objectif des deux Etats] est celui sur lequel les parties se sont entendues avec la feuille de route et Annapolis. Je poursuivrai activement ce but en tant que président », a déclaré le président américain. Ces propos interviennent quelques jours après le discours remarqué du nouveau chef de la diplomatie israélienne. « Il n’y a qu’un seul document qui nous lie et ce n’est pas la conférence d’Annapolis (…) seulement la Feuille de route », avait-t-il déclaré lors de la cérémonie de passation de pouvoir avec l’ancienne ministre des Affaires étrangères israélienne, Tzipi Livni. « Le gouvernement israélien et la Knesset n’ont jamais adopté Annapolis », avait-t-il ajouté.
C’est dire si l’annonce de la visite prochaine du président américain promet d’être source de tensions. Prévue en juin prochain, cette visite « de quelques jours » en Israël et en Palestine sera précédée de la venue de George Mitchell, envoyé spécial américain pour le Moyen-Orient. De quoi confirmer la détermination de Barack Obama, le président américain ayant souligné à plusieurs reprises que la résolution du conflit israélo-palestinien serait « la priorité de [son] mandat ».
La réponse officielle du bureau du Premier Ministre, quoique convenue, ne cache pas une certaine gêne : « Israël apprécie les engagements du président Barack Obama en faveur de la sécurité d’Israël et de la poursuite de la paix », a publié le bureau du Premier Ministre lundi, ajoutant « Le gouvernement d’Israël est acquis à ces deux objectifs et formulera ses propositions dans l’avenir proche afin de travailler avec les Etats-Unis vers la réalisation de ces objectifs communs ». Le communiqué évite donc soigneusement les termes si controversés d’Annapolis et d’Etat palestinien. Le Premier Ministre évoque le moins possible la création de l’Etat palestinien, et se passerait volontiers du processus d’Annapolis, rappelant plutôt la Feuille de route, tombée en désuétude. Le gouvernement navigue donc sur une position inconfortable face à un président américain qui annonce un changement de ton.
Les officiels israéliens, sous couvert d’anonymat, ne cachent en revanche pas leurs inquiétudes. De nombreuses sources proches du gouvernement prédisent qu’Israël sera mis sous pression lors de la visite de Benyamin Netanyahou à Washington. D’autres assurent en revanche que l’administration Obama n’aura pas d’autre choix que de reconnaitre que le nouveau gouvernement israélien a des priorités différentes de celles de son prédécesseur. Dans cette valse des supputations, l’attente de la visite de Barack Obama attise les inquiétudes.
Au-delà des conjectures, les faits témoignent d’un possible changement d’approche américaine pour le conflit israélo-palestinien. En rappelant les conclusions de la conférence d’Annapolis de 2007, Barack Obama invite le gouvernement israélien à reprendre le processus ouvert par la conférence, à savoir des réunions d’un comité de pilotage israélo-palestinien. Ces réunions doivent permettre de mener des « discussions vigoureuses et continues » menant à la création d’un Etat palestinien et à des mesures s’attaquant au terrorisme. La conférence d’Annapolis, à la différence de la Feuille de route, ne pose pas en préalable la fin du clivage Fatah – Hamas et la restauration de l’autorité de Ramallah sur la bande de Gaza.
Alors qu’en Israël une partie de la droite et l’extrême-droite préfèrent écarter la question de la création d’un Etat palestinien, et que le gouvernement s’est délié dès sa prise de fonction du processus d’Annapolis, Barack Obama rappelle Benyamin Netanyahou à ces positions, contraires à ses engagements de campagne électorale.
Barack Obama, à la différence de son prédécesseur George W. Bush, ne s’oppose pas à la création d’un gouvernement d’union nationale incluant les islamistes du Hamas. Enfin, son discours de lundi à Ankara a également marqué une inflexion de la diplomatie américaine, en ce qui concerne l’Iran. Le président Obama a souligné l’importance d’empêcher l’Iran d’accéder à la « technologie militaire nucléaire », là où le candidat Obama, en juillet dernier, parlait d’empêcher l’Iran d’accéder à la « technologie nucléaire ». Un autre geste d’ouverture envers le régime de Téhéran, qui ne manquera pas d’épicer la visite de juin prochain en Israël.
Antony Drugeon, le 7 avril 2009
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