En l’espace d’une semaine, le mois de juin va voir deux élections cruciales se tenir au Moyen-Orient. Le Liban le 7 juin, puis l’Iran le 12, pourraient bien donner le ton de ce qui attend la région pour les années à venir. Les liens entre le Hezbollah libanais et la République islamique d’Iran pimentent d’autant plus ces scrutins, que les Etats-Unis et Israël ne manquent pas d’observer de près.
Au Liban, où le Hezbollah pourrait renforcer son assise parlementaire, et en Iran, où la réélection du président ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad est hautement probable, l’axe anti-israélien pourrait se renforcer dans la région.
Au Liban, les sondages donnent une légère avance à l’alliance du Hezbollah chiite et du Courant Patriotique Libre à l’électorat chrétien pour le scrutin législatif du 7 juin.
Le Liban sort d’une affaire d’Etat majeure avec l’arrestation de plusieurs espions d’Israël visant le Hezbollah. Une affaire qui a d’autant plus rappelé aux Libanais la posture anti-israélienne du Hezbollah que celui-ci a marqué des points politiquement en indemnisant les victimes des bombardements israéliens lors de la seconde guerre israélienne au Liban, en 2006.
La révélation du journal allemand « Der Spiegel » samedi dernier selon laquelle l’enquête sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri s’orienterait vers une responsabilité du Hezbollah a encore contribué à « victimiser » le « parti de Dieu ».
En cas de victoire de l’opposition dominée par le Hezbollah, le chef de file de la majorité actuelle, Saad Hariri, a averti qu’en cas de défaite, il ne se joindrait pas à un gouvernement d’union nationale, préférant siéger dans l’opposition.
Dès lors, les chances de voir le gouvernement tout entier être dominé par le Hezbollah suscitent l’inquiétude de Washington, qui classe le mouvement chiite parmi la liste des organisations terroristes.
Le vice-président américain Joe Biden a averti vendredi dernier que les Etats-Unis « [évalueront] la teneur de [leur] programme d’assistance sur la composition du nouveau gouvernement [libanais] et sur les politiques qu’il mène », en un geste de défiance à peine voilé vis-à-vis du Hezbollah.
D’ores et déjà, « même sans occuper les postes les plus visibles, le Hezbollah dirige progressivement le Liban, en détenant des prérogatives de souveraineté au détriment de l’État. Son armement et son influence politique, qu’il a renforcé depuis son coup de force du ‘7 mai’, lui ont permis de devenir le premier acteur militaire, politique et social du Liban », selon le politologue Antoine Basbous, directeur de l’Observatoire des pays arabes.
La consécration électorale que le Hezbollah escompte dimanche 7 juin remettra-t-elle en cause le boycott des Américains et des Européens à l’égard du Hezbollah ?
Le Royaume-Uni a indiqué le mois dernier avoir tissé des contacts « à niveau subalterne » avec le Hezbollah, qui espère bien étendre ce genre d’initiatives aux Etats-Unis à l’occasion de ces élections.
« Les pays occidentaux se bousculent pour nous parler et le feront davantage dans l’avenir. L’un des ambassadeurs européens nous a informés que les Américains traiteraient avec n’importe quel gouvernement, même s’ils souhaitent la victoire » de la majorité anti syrienne, s’était ainsi réjoui à la mi-avril le cheikh Naïm Kassem, bras droit de Hassan Nasrallah.
L’ascendant que s’apprête à prendre le Hezbollah, soutenu ouvertement par Téhéran, ne manquera pas d’être interprété comme une extension de l’influence iranienne, alors que la République Islamique d’Iran s’apprête à tenir des élections présidentielles cinq jours seulement après le scrutin libanais.
Le président ultra conservateur Mahmoud Ahmadinejad fait figure de favori. Non seulement parce que de par le passé tout président en poste a été réélu, mais aussi parce que le camp présenté comme réformiste aborde ces élections dans la confusion.
L’ancien président réformateur Mohamed Khatami a du renoncer brusquement à sa candidature, pour se ranger derrière l’ancien Premier ministre Mir Hossein Moussavi, présenté comme un conservateur pragmatique, qui promet de protéger la liberté de la presse et d’améliorer les relations avec l’Occident, tout en étant attaché aux « principes de la révolution de 1979 », dont il a été l’un des artisans. Il s’agit du principal concurrent du président Ahmadinejad.
Mais le camp réformateur est également représenté par un candidat plus atypique, en la personne de Mehdi Karoubi. Ce religieux populiste et franc-tireur avait dénoncé des fraudes lors des dernières élections, et a signé une pétition conjointement avec le prix Nobel Chirin Ebadi, afin de demander la fin des exécutions des délinquants mineurs au moment des faits. Un autre candidat conservateur, Mohsen Rezaie, parle également de « détente » avec l’Occident.
Point commun aux différents concurrents d’Ahmadinejad : tous lui reprochent d’avoir isolé le pays sur la scène internationale, d’avoir dilapidé les recettes du pétrole dans le programme nucléaire et d’être responsable des sanctions du conseil de sécurité de l’ONU qui entravent l’activité économique iranienne.
Le ralentissement de la croissance est le principal handicap du président Ahmadinejad, en particulier dans les villes. Les campagnes sont en revanche un vivier électoral puissant pour le président sortant.
Mais si des candidats « d’opposition » parviennent à ravir la présidence à Mahmoud Ahmadinejad, l’ampleur de cette détente attendue avec l’Occident reste incertaine.
Les urnes libanaises donneront les premières le ton, que les électeurs iraniens confirmeront, ou pas, cinq jours plus tard. Avec les chancelleries du monde comme premiers scrutateurs.
Antony Drugeon, le 27 mai 2009
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