Face à l’Iran, B. Obama dresse un nouveau front

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En une semaine, Barack Obama a effectué quatre déplacements à l’étranger. Le président américain a ainsi participé au G20 à Londres jeudi 2 avril, puis au sommet de l’OTAN à Strasbourg vendredi et samedi, avant de se rendre ce dimanche au sommet Union Européenne (UE) – Etats-Unis à Prague. Loin d’être protocolaires, ces visites redéfinissent les contours de la politique extérieure américaine. L’arrivée du président américain en Turquie dimanche dans la soirée vient clore une série de paris stratégiques. L’annonce d’une visite au Proche-Orient en juin prochain suscite l’expectative.

« Israël ne bombardera pas les réacteurs nucléaires iraniens, en tout cas pas au cours de cette année ». Il s’agit là des propos du secrétaire américain à la Défense, Robert Gates. Celui-ci a ajouté aussitôt « J’avoue que je serais étonné si les Israéliens lançaient une attaque dans ces délais », lors de l’interview qu’il a donné au Financial Times, le jeudi 2 avril. Il n’en demeure pas moins que le journal britannique donne là à penser que l’administration américaine se considère en mesure de contenir toute intervention israélienne contre un Iran aspirant au statut de puissance nucléaire.

Ces propos sont intervenus à l’occasion d’une semaine décisive pour la diplomatie américaine, avec les déplacements de Barack Obama aux sommets du G20, UE – Etats-Unis, et en Turquie.

 

Ce dernier déplacement n’est pas le moins important. Le président américain doit s’exprimer devant les députés au Parlement turc, avant de rencontrer en tête-à-tête les dirigeants des principaux partis représentés au Parlement. Une façon de rendre hommage à la démocratie turque, un temps malmenée par l’administration Bush. Les efforts de Barack Obama devant les députés et les dirigeants de l’opposition parlementaire ont d’ailleurs été salués comme il se doit par Özdem Sanberk, ancien secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères turc, cité par le journal turc Today’s Zaman : « Le choix d’Obama de s’adresser au Parlement est dans la meilleure tradition de la démocratie américaine ». Le refus des députés turcs à la demande de l’armée américaine de lancer l’offensive en Irak à partir du territoire turc, en 2003, avait dégradé les relations américano-turques.

 

Lors d’une interview à CNN-Turquie, Paul Wolfowitz, alors secrétaire adjoint à la Défense, avait ainsi dit son amertume vis-à-vis de la Turquie, « qui, pour quelque raison que ce soit, n’a pas joué le rôle de leadership majeur dans cette question, contrairement à ce que nous aurions pu prévoir ».

Là où la diplomatie de l’administration Clinton avait cherché à soutenir les Etats du Moyen-Orient acceptant pleinement la paix avec Israël, selon un axe Egypte-Israël-Turquie, l’administration Bush avait en revanche été radicalement différente.

Le projet de Grand Moyen-Orient et la guerre contre le terrorisme volontiers perçue dans le monde arabo-musulman comme une croisade chrétienne ont rapproché Ankara, ferme allié d’Israël, des pays arabes. La seconde intifada (2000-2006), les guerres du Liban de 2006 et de Gaza à la fin 2008 / début 2009 ont creusé l’incompréhension. C’est ainsi que le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan a bénéficié d’un accueil triomphal de son retour du sommet économique de Davos, où il avait marqué les esprits le 29 janvier dernier en piquant une colère contre la guerre israélienne à Gaza.

C’est dans ce contexte que la visite de Barack Obama s’inscrit, alors que le président américain a affirmé vouloir faire des conflits au Moyen-Orient la priorité de sa politique étrangère. Alors que le rôle de repoussoir endossé par les Etats-Unis auprès des opinions publiques du Moyen-Orient a favorisé l’Iran dans son ambition d’élargir son prestige au-delà des chiites, le président américain cherche désormais des alliés sur lesquels s’appuyer dans la région.

Le président américain a d’ailleurs appelé dimanche 5 avril l’Union Européenne à accepter la Turquie en tant que membre, expliquant qu’un tel geste serait un signe positif vers le monde musulman. L’objectif de la Maison Blanche est de chercher « une plus grande coopération [de l’Occident] avec les pays musulmans », Barack Obama ayant affirmé que « l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne (UE) serait un signal important dans ce sens ».

Mais dans cette lutte d’influence, les Etats-Unis ne peuvent pas se permettre d’affronter l’hostilité de la Russie. C’était l’objet du sommet UE – Etats-Unis de dimanche que de permettre précisément d’aplanir les tensions russo-américaines apparues sous le double mandat de George W. Bush. Car même si la Russie n’était pas conviée à ce sommet, les circonstances poussaient à regarder vers l’Est.

Prague accueillait le sommet alors que le principal terrain de mésentente entre Washington et Moscou est le projet de bouclier anti missiles que l’administration Bush entendait installer en République Tchèque. La politique russe de chantage au gaz, telle qu’elle s’est exercée en janvier dernier pour faire pression sur l’Ukraine, ou la guerre de Géorgie en août dernier, ont vraisemblablement été abordées par des pays d’Europe centrale particulièrement préoccupés par la menace russe.

 

Le président Obama hérite de relations américano-russes passablement dégradées par le projet de bouclier anti missile. Mais il a déjà fait savoir à Moscou qu’il est prêt à ralentir le déploiement du système anti missile en contrepartie du ralliement russe aux efforts diplomatiques pour empêcher l’Iran de réaliser ses ambitions nucléaires. L’opposition de nombreux Tchèques à ce projet pourrait terminer de sceller la réconciliation américano-russe.

 

Dès lors les regards se tournent vers Téhéran. Après avoir tendu la main à l’Iran, Barack Obama a accompli un autre changement majeur de stratégie en soulignant – « avec conviction » – dimanche « l’engagement des Etats-Unis et son désir d’œuvrer en faveur de la paix et de la sécurité d’un monde sans armes nucléaires ». Une telle annonce, au-delà de son aspect spectaculaire, est aussi un moyen de couper l’herbe sous le pied des pays aspirant au statut de puissance nucléaire – l’Iran, mais aussi la Corée du Nord.

 

Si le président américain réussit son pari de séduire Russes et Turcs, et de restaurer l’image des Etats-Unis dans le Moyen-Orient, il sera en position de force dans les pressions exercées contre l’Iran et ses ambitions nucléaires. La diplomatie américaine doit encore entreprendre de s’assurer le soutien des pays arabes et de la Turquie pour assurer totalement son leadership dans la région face à l’Iran.

L’annonce jeudi dernier de la visite prochaine de George Mitchell, émissaire américain au Proche-Orient, « dans la région », peut s’inscrire dans cette démarche. A plus forte raison, l’annonce samedi d’une tournée en juin prochain de Barack Obama lui-même au Moyen-Orient rappelle combien, à la différence de son prédécesseur, le président américain entend bien marquer son influence dans la région.

 

Israël ne peut qu’appréhender cette reprise en main des dossiers moyen-orientaux par Washington avec circonspection. Les propos de Robert Gates assurant qu’Israël ne frapperait pas l’Iran sonnent peuvent être interprétés comme un rappel à l’ordre à l’égard de l’Etat hébreu autant que comme l’affirmation que ces frappes seraient inutiles.

 

Le secrétaire d’Etat américain laisse planer le doute sur la posture de la nouvelle administration américaine. Il a en revanche estimé qu’il restait suffisamment de temps pour « convaincre Téhéran de renoncer au développement de l’arme nucléaire ». Trois ans, selon lui. Ce qui fixe l’essentiel de l’agenda diplomatique du mandat de Barack Obama.

 

Antony Drugeon, le 5 avril 2009


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