Espoir teinté de scepticisme à l’occasion de la rencontre Olmert-Abbas à Jérusalem

Antony DRUGEON

Animateur de communauté associative

Déc 25, 2006
Espoir teinté de scepticisme à l’occasion de la rencontre Olmert-Abbas à Jérusalem
Le président palestinien Mahmoud Abbas et le Premier ministre israélien Ehoud Olmert.
Le président palestinien Mahmoud Abbas et le Premier ministre israélien Ehoud Olmert.

Face à leurs opposants internes, les deux dirigeants ont tenté de reprendre la main en relançant le processus de paix.

Ils savent qu’ils jouent gros. En recevant samedi pour la première fois le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, Ehoud Olmert, le Premier Ministre israélien se résout à faire un signe d’ouverture alors qu’il ne parvient plus à imposer son autorité en Israël depuis la guerre du Liban. De son côté, le président palestinien doit montrer à son opinion publique que le processus de paix ne passe que par lui, alors qu’il vient de convoquer des élections anticipées pour reprendre la main face au Hamas. Les deux dirigeants relancent donc le processus politique non sans arrière pensées politiques : la relance du processus de paix interrompu en 2000 dépendra de leur capacité à convaincre auprès de leurs opinions publiques respectives du succès de celui-ci.

Israël sait donc qu’il lui faut faire des concessions pour éviter que le Hamas ne soit réélu au Parlement palestinien. La ministre israélienne des Affaires étrangères, Mme Tzipi Livni, ne cache pas que tel est l’objectif de son gouvernement : « Il faut que le peuple palestinien comprenne qu’il y a deux options : celle qui existe actuellement avec un gouvernement terroriste qui ne peut satisfaire ses besoins quotidiens et politiques, tandis qu’il peut avoir une alternative capable de traiter de leurs besoins quotidiens et leur offre un horizon politique » a-t-elle affirmé à la radio de l’armée israélienne. Le gouvernement israélien a donc profité de l’occasion pour voter à l’unanimité le transfert de 100 millions de dollars au bureau du président palestinien. Ces fonds seront prélevés sur une partie des taxes douanières et de la TVA prélevées par Israël pour le compte de l’Autorité palestinienne sur les produits importés en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Ces fonds avaient été gelés au début de l’année en guise de sanctions après la victoire aux élections législatives des islamistes du Hamas et la formation en mars d’un gouvernement sous sa direction. « Il s’agit ainsi d’équilibrer l’aide financière accordée par l’Iran au Hamas », a déclaré le vice-premier ministre Shimon Pérès à la radio publique.

Reste l’épineuse question des prisonniers. Ehoud Olmert ne pouvant apparaître trop conciliant alors que la droite dure reprend de la vigueur en Israël, la rencontre de samedi n’a abouti à aucun accord sur la libération des prisonniers palestiniens et du soldat Gilad Shalit enlevé. Mais les deux parties ont convenu de réactiver une commission mixte chargée de déterminer la liste des personnes à libérer. M. Miri Eisen, porte-parole de M. Olmert, a souligné qu’Israël est prêt à libérer un grand nombre de prisonniers palestiniens, mais « il n’y aura pas de libération de prisonniers avant le retour de Gilad Shalit ». Un signe de fermeté pour que les faucons en Israël ne récupèrent pas les fruits politiques de ces accords. Déjà, la droite israélienne y réagit avec hostilité : le député du Likoud (opposition de droite) Sylvan Shalom a dénoncé la remise des taxes douanières et de la TVA à l’Autorité palestinienne en estimant qu’Israël « va encourager la Communauté internationale notamment les Européens à briser l’embargo financier imposé à l’Autorité palestinienne ». Du côté palestinien, le ministre chargé des prisonniers, Wasfi Kabha (Hamas), a estimé que « cette rencontre n’était que de la poudre aux yeux ». « Aussi bien Abou Mazen (Mahmoud Abbas) qu’Ehoud Olmert sont confrontés à une crise interne et ils se sont rencontrés uniquement pour dire qu’ils espèrent reprendre des négociations », a critiqué ce ministre.

Antony Drugeon, LIBERATION, le 25 décembre 2006

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Déc 21, 2006
10.000 € pour fuir le « bled »

Pour 10.000 euros, des faux contrats de travail en Espagne sont vendus à des Marocains rêvant de l’eldorado européen.

Adil, 24 ans, le regard un peu perdu, explique avec amertume le choix qu’il a fait. Travaillant à Casablanca dans un centre d’appel, démarchant des clients en Belgique, il gagne plus de 4000 dh par mois, mais ne supporte plus le rythme effréné imposé par l’employeur. Le manque de perspectives professionnelles au Maroc le déprime. Émigrer en Europe, il en a longtemps rêvé. « Ici, même si je peux trouver du travail, à Casablanca, je suis loin de ma famille, à Oujda, et de toute façon je serai tout aussi précaire dans dix ans… Alors autant partir en Espagne » soupire-t-il. Quand l’occasion s’est présentée, il y a quelques mois, il a tout de suite été d’accord. Son « bienfaiteur », un Marocain patron d’un grand restaurant au Nord de Madrid, lui propose un poste à durée indéterminée. Avec les précieux papiers qui vont avec. Mais moyennant 10.000 euros, presque 100.000 dirhams. Une fortune, qu’il essaie toujours d’amasser. Mais c’est le prix du marché.

Tahar, 20 ans, vient de payer la même somme. Il explique : « C’est le prix que proposent tous les intermédiaires, auparavant c’était moins cher, mais ça a monté. Je connais des amis qui sont partis pour 5.000 euros, il y a deux ou trois ans ». Lui va quitter en janvier son poste reconnu et qualifié à Casablanca dans un centre de support technique pour une grande entreprise informatique, contre un autre poste d’ouvrier dans une usine de boîtes de conserve, à Barcelone. Un contrat de tout juste un mois, mais qui lui permettra d’obtenir les si convoité visa. A l’expiration duquel Tahar basculera dans la clandestinité.

Le procédé est bien rodé : le patron espagnol vend son contrat, un contrat à durée déterminée, à un commissionnaire. « Dans mon cas, raconte Tahar, l’entreprise n’est qu’une façade, elle sert de vitrine : son seul fonds de commerce est le commerce des contrats. C’est un MRE qui a créé cette entreprise après avoir épousé une Espagnole », dit-il. Le commissionnaire achète le contrat à 7.000dh et le revend à 10.000dh à un Marocain qu’il rencontre en se rendant sur place. Avec la plus-value, il prend en charge les frais d’avocat en Espagne pour obtenir l’autorisation d’entrée sur le territoire, grâce au contrat de travail et après s’être assuré que l’aspirant émigrant n’a aucun antécédent judiciaire, ni maladie contagieuse. Le consulat, après avoir vérifié les informations auprès de l’employeur, délivre le visa. Les besoins de l’économie espagnole en main d’œuvre bon marché permettent ce genre d’initiatives, là où l’émigration vers la France, en revanche, fonctionne plus mariages blancs, en général.

Le contrat de travail ne joue que le rôle de prétexte pour le précieux visa. Car rares sont ceux qui gardent le poste en question. Dès la fin du contrat, ils partent vers une autre ville d’Europe, rejoignant un proche, le plus souvent en France, mais aussi en Belgique, ou aux Pays-Bas. Adil comme Tahar rêvent de reprendre leurs études, ils ont des ambitions professionnelles, qu’ils savent irréalisables au Maroc : Tahar pense même à devenir cinéaste. Mais pour atteindre ce rêve, ils savent qu’il leur faudra éviter quelques écueils. Notamment ceux des faux intermédiaires : prétendant vendre un contrat de travail, ceux-ci repartent en Espagne avec un chèque, laissant un escroqué derrière eux. Mais là encore, l’imagination des candidats à l’émigration a trouvé une parade : dans le milieu, il est devenu courant d’exiger de l’intermédiaire qu’il donne un chèque de caution, que la famille rendra une fois la « transaction » achevée. Autre sécurité par éviter l’arnaque : il est courant d’être mis en relation avec un passeur via un ami ayant déjà expérimenté ses services. Dans ce cas, la recommandation vaut garantie.

Car le bouche-à-oreille est bien sûr au centre de cette activité, illégale. L’offre ne s’affiche évidemment pas au grand jour. Pour Adil comme Tahar, c’est la famille qui a permis de trouver l’intermédiaire. Adil raconte ainsi : « C’est ma mère qui, en se rendant à ses cours de gym, a appris qu’une de ses amies avait un frère en Espagne, et celui-ci cherchait un employé pour son restaurant ». Et c’est encore la famille qui cotise pour payer la somme faramineuse qui permet à l’un des leurs de partir.
De tels efforts et ressources, consacrés au simple objectif de fuir le pays, ne manquent pas de soulever des questions : avec respectivement un diplôme de gestion et comptabilité et une licence en informatique, Adil et Tahar n’envisagent même pas de réaliser leurs rêves dans leur pays. Ce trafic de contrats de travail ne fait finalement que révéler la profondeur de cette désillusion.

Antony Drugeon, LIBERATION, le 21 décembre 2006

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Déc 18, 2006
Aïd ou réveillon, le dilemme des débits d’alcool

La loi sera plus souple cette année, sans doute du fait d’un calendrier particulier, qui fait coïncider aïd et réveillon du nouvel an.

Mohamed, 56 ans, ne décolère pas, au comptoir d’un bar de Casablanca : « C’est n’importe quoi« , dit-il, la main agrippant solidement sa bière. Assumant pleinement sa « marginalité », il ne comprend pas pourquoi la loi est si dure avec les habitués de ce bar tranquille, où de nombreux hommes, tous quinquagénaires, viennent se retrouver devant un match de football. Il parle de la fermeture des débits d’alcool à l’approche de l’aïd, bien sûr. Visiblement tous clients réguliers, les autres clients occupent les lieux en donnant l’impression d’être chez eux. Le ton monte facilement, les gestes se font larges pour accompagner la parole, habituellement plus policée, au travail ou au foyer. L’ambiance est bonne enfant, mais le gérant a accroché un écriteau sur un mur flanqué d’un avertissement ferme :  » Le crédit est mort, assassiné par les mauvais payeurs« .

S’il a peur de l’interdiction d’ouvrir durant les cinq jours entourant l’aïd ? Il répond en riant. « Chaque année c’est pareil ! Les clients viennent avant la fermeture, et je les retrouve aussitôt à la réouverture ! « . Il s’apprête donc, philosophe, à s’offrir un petit congé. Mais cette année, l’aïd coïncide avec le nouvel an. Une festivité qui de toute façon ne le concernait pas, dans son petit bar sans prétention, fréquenté seulement par des travailleurs modestes et des retraités venus tuer le temps. Mohamed, lui, est bien organisé pour passer au mieux cette phase délicate : « Comme on ne sait jamais précisément les dates de fermeture, je fais toujours mes provisions bien à l’avance, au supermarché » avoue-t-il. Et justement les supermarchés s’attendent à faire davantage de ventes dans les jours précédent la fermeture, comme l’atteste la fréquentation plus élevée des rayons alcool à cette période.

Le son de cloche est différent à La Bodega, bar festif du cœur de Casablanca. Là, la jeunesse dorée de la capitale économique a l’habitude de venir danser dans une ambiance purement espagnole, des tapas à la sangria. Et sans surprise, la suppression pure et simple de la soirée du nouvel an, ça ne réjouit pas le gérant. Celui-ci fait la grise mine à la seule évocation de la question. « Le manque à gagner est important » lance-t-il sobrement. Sont concernés bien sûr tous les autres bars dansants et les discothèques, ainsi que les restaurants.

En revanche, la loi ne s’applique pas de la même manière au sein des hôtels. En contactant plusieurs hôtels haut de gamme, la réponse donnée est sensiblement la même : l’alcool est servi, mais, du fait de cette période exceptionnelle, uniquement aux non-musulmans. Et, en fonction des établissements, la carte d’identité peut être demandée. L’étrangeté est donc que la loi censée s’appliquer toute l’année n’est donc respectée que durant les fameux cinq jours de l’année. Le degré de religiosité varie donc en fonction de la solvabilité de la clientèle. Une hypothèse confirmée auprès des hôtels de grand luxe, de quatre à cinq étoiles : là la réponse est qu’il n’y a aucun problème pour servir de l’alcool à des musulmans. Pour les bourses les plus fortunées, l’interdiction de consommer de l’alcool passera donc inaperçue.

D’ailleurs certaines agences de voyage ont compris qu’il y avait un filon à exploiter : les offres de séjours de courte durée à Malaga ou Algeciras se multiplient, à l’attention de ceux qui sont bien résolus à arroser le début de l’année 2007, mais que le cadre guindé (et le prix) des restaurants de luxe effraie. L’imagination des fêtards ne connaît donc pas de frontières.

Antony Drugeon, LIBERATION, le 18 décembre 2006

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Déc 11, 2006
Clôture du festival de cinéma de Marrakech

Clôture du festival de cinéma de Marrakech

Le combat pour la liberté primé par le jury

Le film allemand Le perroquet rouge remporte un beau succès avec le prix de l’interprétation masculine et le grand prix, l’Etoile d’Or.

La cérémonie de clôture du festival international du film de Marrakech s’est tenue samedi soir au Palais des Congrès de la ville ocre. Comme toute cérémonie de clôture et de remise de prix, elle attisait l’impatience des festivaliers et des curieux, venus nombreux assister à l’arrivée de nombreuses stars du cinéma mais aussi du petit écran. Les Marrakchis ont ainsi pu voir entrer au Palais des Congrès, le comédien Ferkous, la comédienne Mouna Fettou, qui a ouvert la cérémonie, et Jammel Debbouze, très attendu par le public et les jeunes notamment.

L’impatience des journalistes aidant, Roman Polanski, président du jury, avait donné un avant-goût des résultats, se gardant bien pour autant de les divulguer : le cinéaste s’était contenté de saluer l’engagement politique de nombreux films en compétition. Et de fait, cette année, les films récompensés sont tous porteurs d’un message politique. Le prix de l’interprétation féminine est revenu à Fatou N’Diaye, pour son rôle dans le film canadien Un dimanche à Kigali. Ce film dur sur le génocide rwandais en 1994 est une adaptation du roman de Gil Courtemanche, Un dimanche à la piscine à Kigali. Le grand prix du jury a été attribué au film roumain Hirtia va Fi Albastra (Le papier sera bleu). Ce film du réalisateur Radu Muntean évoque la révolution en 1989 contre la dictature de Ceaucescu.

Le prix de l’interprétation masculine quant à lui est revenu à Max Riemelt, pour son rôle dans Le Perroquet Rouge. Ce film a été le grand gagnant de la soirée, honoré de surcroît par l’Etoile d’Or. Max Riemelt y incarne le personnage principal, un jeune allemand de l’Est découvrant à son arrivée en ville de sa campagne natale la vie festive et moderne des jeunes, mais aussi, rapidement, la surveillance d’Etat, le contrôle des idées etdes loisirs. L’artiste y découvre l’amour interdit, apprend à se jouer de l’Etat totalitaire, vivant de contrebande. Mais l’étau étatique se resserrant rapidement, le choix se fait entre rester dans la peur ou partir pour un Berlin énigmatique et étranger. Tragiquement, le fonctionnement froid, efficace, et rusé de la machine d’Etat divise les amis, brise les couples, jusqu’à dresser un mur entre les hommes, de peur que l’échec du système idéologique qui le sous-tend. La raison d’Etat dans toute sa rigueur, son impersonnalité, peut-elle appréhender dans toute sa profondeur les aspirations, les désirs, d’êtres ayant pour seule motivation leur propre quête du bonheur ? Le film laisse à penser que non, là où les accusations de contrebande et de comportement anti-socialiste ne servent qu’un intérêt, celui des gouvernants.

Un bel hommage à la tous ceux qui résistent aux abus des pouvoirs, qui met résolument la sixième édition du festival sous le signe de la liberté.

Antony Drugeon, LIBERATION, 11 décembre 2006

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Déc 4, 2006
Le SNESup divisé suite aux propositions du ministère

Dossier des professeurs titulaires de doctorats français

Le SNESup divisé suite aux propositions du ministère

La direction du Syndicat affronte le désaccord d’une partie importante de la base après avoir accepté les propositions du ministre de l’Education nationale, M. Habib El Malki.

Rien ne va plus au SNESup (Syndicat National de l’Enseignement Supérieur). De nombreuses sections locales et régionales affichent ouvertement leur opposition à la direction du syndicat. Une situation conflictuelle mais somme toute relativement ordinaire dans la vie syndicale. Sauf que cela fait désormais un mois qu’une quinzaine de professeurs titulaires de doctorats français pratique de surcroît la grève de la faim pour obtenir la reconnaissance de leur diplôme.
Cette mobilisation très démonstrative semble s’adresser autant au gouvernement, qui vient de faire des propositions sur le dossier des professeurs doctorants français, qu’à la direction du syndicat SNESup, qui a accepté celles-ci, au terme de deux ans de négociations. En effet, cette grève de la faim a débuté alors que les prémices de l’accord entre le ministère et le syndicat se faisaient jour.

Ainsi, Abderrahim Habbou, enseignant-chercheur à l’Université Hassan II de Mohammédia, membre adhérent du SNESup opposé à la direction, explique : «Ce que nous demandons, ce n’est ni plus ni moins que l’alignement du régime des professeurs titulaires de doctorats français sur celui de ceux titulaires d’autres doctorats étrangers». Le projet du ministère prévoit deux choses : d’une part, les professeurs en question, lésés par leur statut octroyé jusque-là de professeurs assistants, se voient reconnus l’ancienneté à laquelle ils auraient eu droit s’ils avaient été recrutés directement au poste de Professeur Habilité, comme c’est le cas de leurs confrères titulaires de doctorats belges, allemands, espagnols, etc. D’autre part, et c’est là que se situe la pierre d’achoppement, la possibilité de passer au troisième et dernier grade, celui de Professeur de l’Enseignement Supérieur, est reconnue à ces professeurs, mais selon la «nouvelle» procédure, celle issue de la réforme globale du système survenue en 1997. Car avant 1997, le passage au grade de Professeur de l’Enseignement Supérieur était automatique au bout de quatre ans. Une disposition abrogée par le nouveau statut de 1997, qui prévoit un concours pour passer ce grade.

Les opposants du SNESup réclament qu’on leur applique la législation qui aurait dû leur être appliquée puisqu’ils sont rentrés dans l’enseignement avant 1997. «Le problème du concours, c’est qu’il y aura un quota d’admissibles, et tout le monde ne bénéficiera pas de ce à quoi il a pourtant droit», continue M. Habbou. Du côté de la direction du SNESup, on voit les choses autrement. «Quand on dit négociations, on dit compromis», explique Youssef El Kouari, membre du Bureau national du SNESup. «La solution retenue garde le fond de nos revendications : l’ancienneté et le grade de Professeur de l’Enseignement Supérieur.» Quant au concours, M. El Kouari n’y voit pas de menace. «Il y aura autant de postes ouverts qu’il y a de personnes impliquées dans ce conflit; il ne s’agit pas à proprement parler d’un concours, mais simplement d’un dépôt de dossier scientifique. C’est une démarche académique», poursuit-il. Toujours est-il que ces affrontements vont inévitablement dominer les débats lors du prochain congrès du SNESup.

Antony Drugeon, LIBERATION, le 4 décembre 2006

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Déc 4, 2006
L’exposition du voyage intérieur

Exposition « Amour et méditation», contre le Sida.

L’exposition du voyage intérieur

Ahmed El Amine expose des œuvres tout en sensibilité et pudeur sur les autres, dans un esprit teinté de soufisme, et se mobilise ainsi contre le Sida.

Le soufisme s’invite en force dans les tableaux d’Ahmed El Amine. Ce peintre amoureux de la quête perpétuelle du style comme de la technique expose actuellement ces œuvres au café Amphytrium de Casablanca, avec cette inspiration soufie revendiquée : les tableaux, tout en retenue, en discrétion, semblent des songes échappés de l’esprit méditatif de leur auteur. Clairement, les personnages, en cercle, vêtus de façon ample, asexués, communiquent une impression de solidarité tranquille, la cohésion de tous se faisant comme par évidence, sans heurts ni relation de pouvoir. L’être est là, avec sa dignité, sa retenue, sa différence aussi. Petits ou grands, plutôt hommes ou femmes, tous finissent par fusionner en bas de tableaux en une seule étoffe, impression accentuée par la peinture ou les traces d’eau coulant volontairement. Les couleurs, chaudes, mais opaques, invitent à voyager, peut-être jusqu’en Afrique, au moins jusqu’à Marrakech. Variations de couleurs ocres, toutes homogènes, les tableaux dessinent un univers en soi, où la vitesse est inconnue, où l’ode à la douceur est permanent. A l’unisson en se tenant par les bras, créant un cercle de pureté par leur entente, ou se faisant face comme pour se chercher, ces personnages indistincts et pourtant pluriels posent la question du vivre-ensemble. Vivre ensemble possible dans le recueillement, le respect, l’humilité.

Mais deux périodes, deux inspirations s’affrontent dans cette même exposition. D’autres toiles, plus lumineuses, aux couleurs froides et vives, vont encore plus loin dans la dépersonnalisation des personnages. Formes géométriques et grands aplats de couleur s’articulent pour suggérer des visages, des corps, des situations. Le visiteur est laissé libre de donner à la toile son sens, et même son titre.
Le baiser, les couples sur des bancs, la femme avec son enfant, sont autant de figures éternelles et innocentes où la sensualité et l’imagination du visiteur s’exprimeront avec liberté, le peintre revendiquant fièrement le rôle actif du spectateur dans la peinture.
Une position plus que jamais d’actualité puisque cette exposition se donne une ambition sociale, à laquelle le visiteur est invité à participer lui-même. En effet, 20% du prix de chaque œuvre est reversé à la fondation Sida Entreprises Maroc, plate-forme d’entreprises œuvrant à la lutte contre le Sida au côté de l’ALCS (Association de Lutte Contre le Sida), et qui a déjà, à son actif, la réalisation de formation de pairs éducateurs dans les entreprises pour y faciliter la sensibilisation au sein du monde du travail. Le nom de l’exposition, Amour et méditation, renvoie donc autant aux sujets évoqués qu’à la démarche. A méditer.

Antony Drugeon, LIBERATION, le 4 décembre 2006

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