Israël se cherche des touristes sur Internet

Antony DRUGEON

Animateur de communauté associative

Mar 29, 2009
Israël se cherche des touristes sur Internet

Le nouveau portail Internet promouvant la destination Israël n’échappe pas aux enjeux du conflit israélo-palestinien.

Le ministère du Tourisme israélien vient de mettre en ligne à partir de son site Internet un portail multimédia pour promouvoir la destination Israël.

La page www.goisrael.com/vt/ propose, en anglais, de visiter Israël à l’aide de photos et de vidéos, cartes à l’appui. Des suggestions de circuits thématiques conseillent les vacanciers potentiels.

Ceux-ci auront notamment le choix entre des visites axées sur la culture et l’histoire, la nature, la gastronomie, ou encore, bien sûr, la religion. Toutefois, en la matière, seuls des circuits orientés sur les religions juive et chrétienne sont proposées, le statut de ville sainte de l’islam de Jérusalem n’étant visiblement pas exploité par le ministère du tourisme.

Les Territoires palestiniens, délimités sur la carte du site par des pointillés, ne figurent pas dans les destinations proposées par le site, à l’exception du Nord de la mer Morte ; le plateau du Golan (revendiqué par la Syrie, depuis son annexion par Israël en 1967) y est par contre très présent.

Avec ce nouvel outil, le ministère du tourisme espère protéger la fréquentation touristique malgré le contexte de crise économique. « Le ministère du Tourisme étend ses activités de promotion à l’étranger, y compris par Internet, de façon à maintenir le rythme de croissance des entrées de touristes en Israël obtenu en 2008 », a déclaré Shaul Tzemach, directeur général au ministère du tourisme.

Le site Internet du ministère du Tourisme a doublé sa fréquentation en 2008 par rapport à l’an passé, avec 3,5 millions de connections. 830.000 émanaient des Etats-Unis, 227.000 d’Italie, 200.000 de France et 150.000 de Russie.

Antony Drugeon, le 26 mars 2009

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Mar 29, 2009
Un ministre palestinien poursuivi par la justice américaine

Le ministre des affaires civiles du gouvernement intérimaire palestinien Hussein Ach-Cheikh (Fatah) a reçu une convocation d’un tribunal américain de l’Etat de Floride, en raison de poursuites à son encontre, révèle l’agence de presse palestinienne Maan.

Le tribunal américain demande au ministre de répondre de la mort d’une civile durant la seconde Intifada, de double nationalité américaine et israélienne. La femme avait été tuée par une explosion dans l’ancienne colonie de Kissufim (bande de Gaza).

Hussein Ach-Cheikh assistera à la séance du tribunal par vidéoconférence, le 1er avril, selon Maan. Il s’agit du premier cas d’officiel de l’Autorité Palestinienne poursuivi pour des actes commis dans le cadre du soulèvement palestinien débuté en 2000.

Le ministre palestinien est assisté par des avocats palestiniens et américains.

Selon l’association israélienne de Droits de l’Homme B’tselem, plus de 5.500 Palestiniens et 1.000 Israéliens auraient été tués durant la seconde Intifada.

Antony Drugeon, le 26 mars 2009

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Mar 29, 2009
Les Israéliens accros aux portables

Bien que plus chères, les communications à partir des téléphones mobiles ont la cote auprès des Israéliens, révèle une étude.

La rationalité économique en prend un coup. 53,9% des Israéliens disent en effet préférer leur portable à leur fixe pour appeler un téléphone portable, même de leur domicile. Seuls 40,5% des enquêtés y préfèrent leur appareil fixe.

L’enquête, réalisée par l’institut d’enquêtes TNS Teleseker pour l’entreprise de télécommunications Bezeq, a recueilli les réponses de 463 Israéliens majeurs, Juifs, adultes, et ayant au minimum un téléphone portable.

Les coûts de communication entre deux téléphones portables sont pourtant généralement supérieurs à ceux d’une communication d’une ligne fixe vers un téléphone portable.

Le grand public semble peu informé de ces faits. Interrogés sur ce qui leur paraissait le moins cher pour appeler un téléphone mobile, 46,5% des Israéliens choisissent le téléphone mobile. 37,3% optent pour le téléphone fixe, tandis que 14,5% avouent ne pas savoir.

Cependant, les opérateurs téléphoniques nourrissent le flou en matière de comparaison des prix en créant des formules tarifaires relativement complexes. Ils accordent notamment un certain temps de communication vers tous ou certains numéros pour un prix donné.

Antony Drugeon, le 26 mars 2009

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Mar 29, 2009
La nouvelle stratégie antiterroriste britannique accusée de viser les musulmans

Le ministère britannique de l’Intérieur a publié mardi une nouvelle stratégie antiterroriste qui a rapidement suscité un début de controverse.

Le document de 171 pages publié mardi définit les nouvelles réponses à apporter au terrorisme « nouvelle génération ». Avec l’affaiblissement d’Al Qaïda comme structure, mais non de son idéologie, les autorités britanniques disent désormais craindre des actes isolés d’islamistes britanniques. D’autant plus que le pays compterait « le plus grand nombre de cellules terroristes opérationnelles d’Europe ». Le rapport est d’autant plus alarmiste qu’il met en garde contre le risque de « dirty bomb » (bombe sale), utilisant la technologie nucléaire, ou des armes chimiques ou biologiques. Il est désormais possible de trouver sur Internet des informations permettant d’utiliser, voire de conjuguer, ces technologies. Les cellules d’Al Qaïda au Royaume-Uni, toujours selon le rapport, ont d’ailleurs envisagé en 2004 l’utilisation d’armes radiologiques, et en 2007 les attentats du 7 juillet à Londres ont été réalisés à partir de bobines de gaz chlorhydrique.

La menace terroriste décrite par le rapport n’est pas fondamentalement nouvelle, dans le contexte de lutte internationale contre Al Qaïda depuis 2001. La nouveauté réside principalement dans les solutions proposées. Jacqui Smith, secrétaire d’Etat à l’Intérieur, a ainsi déclaré que 60.000 salariés britanniques travaillant dans les centres commerciaux et les hôtels seraient formés à l’identification des menaces terroristes.

Mais le rapport s’accompagne surtout d’un volet prévention, accusé par certains musulmans de les diaboliser davantage. La stratégie du gouvernement britannique consiste à prévenir toute radicalisation au sein de la communauté musulmane. Les sources officielles parlent de favoriser l’intégration de ces populations comme de donner davantage d’écho aux voix de l’islam modéré. « Nous avons besoin de nous attaquer aux causes du terrorisme. Il nous faut nous y atteler vite pour empêcher que des gens soutiennent l’extrémisme, la violence et le terrorisme », a déclaré à la radio BBC Jacqui Smith. Le gouvernement met ainsi à l’ordre du jour la réaffirmation des valeurs démocratiques britanniques. « Même quand les gens n’ont peut-être pas enfreint la loi, ils peuvent avoir agi de manière à saper nos valeurs démocratiques, les droits de l’homme, la tolérance et la liberté d’expression ; il y a là un défi à relever auprès d’eux, pas en légiférant, mais par un engagement civique », a-t-elle expliqué.

Du côté de l’opposition, on critique une réaction timide et tardive. Chris Grayling, en charge des affaires intérieures au sein du parti conservateur, a répliqué sèchement : « Nous avons insisté fermement, le gouvernement n’en fait pas assez pour s’attaquer au problème des individus et des groupes au Royaume- Uni qui répandent l’extrémisme sur lequel la menace terroriste prolifère. » La nouvelle stratégie antiterroriste britannique semble donc en passe de lancer un débat de société sur l’intégration des minorités musulmanes, dans un pays jusque-là connu pour son multiculturalisme.

Antony Drugeon, le 25 mars 2009

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Fév 14, 2009
A « Science Po Aix », une mobilisation étudiante très partisane

Assemblée Générale étudiante à l'IEP d'Aix, le 9 janvier 2009.
Assemblée Générale étudiante à l'IEP d'Aix, le 9 janvier 2009. Photo : Antony Drugeon (CC)

Le très calme IEP d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) s’est illustré en rejoignant pour la première fois de son histoire un mouvement de grève des enseignants. Mais côté étudiant, la contestation ne va pas toujours de soi.

A Aix-en-Provence, la solennité sereine de la façade de l’Institut d’Etudes Politiques (IEP), dans le style classique de la Renaissance, pourrait tromper plus d’un passant. Le promeneur attentif remarque pourtant, en plongeant son regard entre les portes, une banderole « Chercheurs en saignant » en lettres oranges. C’est donc bien là que siège « la fronde ».
La grève des enseignants contre la réforme du statut des enseignants-chercheurs est inédite depuis la création de l’Institut en 1956. La maison n’est pas, il est vrai, un bastion des mouvements sociaux qui secouent le monde universitaire. Celui-ci tient même ses étudiants pour hérauts du conservatisme. Bienvenue dans le monde estudiantin aixois, avec ses codes.
Grève et heure matinale obligent, les couloirs sont presque déserts, en ce lundi 9 janvier. Pourtant, Bénédicte, en 5e année, tient le stand du comité de mobilisation. Les cheveux encore mouillés, Charlotte la rejoint sur le tard, avec les pancartes détaillant les dispositions de la loi LRU. « On a dû faire un énorme travail de documentation très rapidement », explique-t-elle.

De quoi démentir la réputation de l’IEP ? Voire. A midi, le grand amphi se remplit, pour abriter une Assemblée Générale qui n’a rien d’unanime. En haut, sur les rangs « montagnards », l’opposition conservatrice tempère les ardeurs d’une « plaine » rêvant, au-delà du retrait du décret sur le statut des enseignants chercheurs, dit « décret Pécresse », de celui de la Loi de Réforme des Universités (LRU), adoptée en août dernier : « Avant de changer toute la voiture, changeons d’abord l’embrayage que serait le décret Pécresse ! Si on commence à parler de toute la voiture, on en viendra à parler du néolibéralisme, et alors on mettra les biens en communs !.. ». Hourras dans les rangs du haut, accompagnés d’applaudissements et de piétinements frénétiques. En bas, Charlotte et Bénédicte s’exaspèrent.
Un membre du comité de mobilisation répond : « Avec cette voiture, il faudrait d’abord se demander où le conducteur veut nous emmener ! Et le décret Pécresse est un prolongement de la voiture LRU ! ». Des applaudissements nourris fusent.

Pour apaiser les esprits, la présidence de la tribune a été confiée à un étudiant québécois, gage de neutralité. Des urnes ont aussi été disposées pour prévenir les accusations de fraude. Mais le vote des revendications, à main levée, est inadmissible pour les rangs du haut : « URSS ! », entend-t-on crier. Débat procédural, stratégie d’obstruction… Pour peu, on se croirait à l’Assemblée Nationale. Les visages, sérieux, se figent, exultent, raillent.
Ces scènes sont en décalage avec la réalité nationale, qui témoigne d’une hostilité à l’encontre du « décret Pécresse » à gauche comme à droite. Catali Chazeau, membre du comité de mobilisation de l’IEP, déplore cette politisation : « On peine à recruter pour le comité de mobilisation, du coup ce sont les plus engagés politiquement qui s’y retrouvent, aux dépens du consensus ». De quoi entretenir la réputation conservatrice de « Science Po ».

Antony Drugeon, le 10 février 2009

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Fév 6, 2009
Quand la fièvre des universités gagne l’IUFM

Vendredi, l’IUFM d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) a rejoint le mouvement de grève des universités françaises. L’occasion pour de nombreux étudiants de première année, engagés politiquement ou non, de découvrir les joies de l’activisme.

Avec ses sombres arcades et ses platanes en tenue d’hiver, la cour de l’IUFM d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) donne déjà dans la monotonie, surtout par ce vendredi pluvieux. Mais c’est surtout son silence qui plane avec lourdeur. Seuls les cris d’enfants d’une école voisine perturbent la quiétude pesante des lieux. C’est à peine si on remarque les couleurs vives d’une affiche « IUFM en colère » collée sur un platane.
Virginie, 21 ans, et Julie, 23 ans, sont seules dans l’immense cour. Plantées devant la bibliothèque, elles fument une cigarette. Si l’IUFM suit le mouvement de grève des universités ? « Oui on a voté ce matin même la grève et le blocage, en AG » répond du tac au tac Virginie. Etudiante en première année, elle explique être « tout à fait d’accord » avec le mouvement. Militante au Parti socialiste (PS), elle reconnaît être « assez révolutionnaire » et « se révolter contre les réformes du gouvernement », qui sont selon elle « contre l’éducation, et pour la privatisation de l’école ». Julie, en première année également, « n’est pas encartée du tout », mais souligne que « même si l’on n’est pas spécialement engagé, là on est tous concernés ». Unanimitaire, la grève ? « Oui », se hasarde-t-elle timidement.
300 mètres plus loin, un îlot d’agitation émerge devant un local surmonté d’une pancarte « foyer ». C’est là, à l’intérieur, que se tient la réunion de travail « du comité de lutte » explique Pascal, 25 ans. Claire, 27 ans, le corrige : « Ca tu n’as pas le droit de le dire ! « Des personnes concernées », c’est mieux ! ». Les regards, rieurs, se croisent. Pascal ne nie pas être engagé politiquement, « contre l’inégalité, et le libéralisme, parce que pour moi c’est la même chose », précise-t-il. Claire rajoute : « Moi, non, je ne suis pas encartée », en souriant. Une cinquantaine de personnes parlementent dans la salle, en quatre groupes, autour des tables.
Le groupe travaillant sur la préparation de la manifestation prend la parole, via sa représentante. La jeune fille, assise sur la table, clame haut et fort ses conclusions : « J’ai eu le mec de l’UNEF au téléphone, finalement mardi la manif’ ce sera à Aix, pas à Marseille ». Elle affiche son optimisme : « On aura peut-être même les étudiants de la fac de droit avec nous ! ». Rires. Les problèmes logistiques apparaissent très vite, pour les banderoles : « Récupérez les vieux draps, allez voir aux hôpitaux, ou si vous avez des grands-mères qui en ont trop… ».
Pas représentatifs, les étudiants impliqués ? Pascal rejette avec force l’argument : « La grande majorité des étudiants nous suit », plaide-t-il, ajoutant que « ce sont surtout les premières années qui sont là », les autres ayant des concours à passer bientôt. Nathalie, 26 ans, a voté contre le blocage, « parce qu’on passe des concours et que ça nous fait peur », mais elle affirme, catégorique : « On est tous d’accord avec les revendications ». « C’est évident », surenchérit Perrine, 27 ans, qui avait aussi voté contre le blocage.
A l’extérieur, sur les grilles de l’établissement, une banderole exprime l’amertume générale : « IUFM, on en saigne pour enseigner ».

Antony Drugeon, L’IMAGINERE, le 6 février 2009

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Fév 6, 2009
« La gauche sioniste n’a jamais considéré les Palestiniens comme des égaux », Pierre Stambul

Pierre Stambul, membre du bureau national de lUnion Juive Française pour la Paix (UJFP).
Pierre Stambul, membre du bureau national de l'Union Juive Française pour la Paix (UJFP).

Plusieurs figures pacifistes de la gauche israélienne ont soutenu la guerre contre Gaza, comme le reste du pays. Comment expliquez-vous cette situation ?
Le problème c’est que le camp pacifiste ou anticolonialiste se partage entre sionistes et antisionistes, c’est là la vraie division qui compte. Les antisionistes sont trop peu nombreux. Les intellectuels tels que Abraham Yehoshua, Amos Oz, et David Grossman ont beau être opposés à la colonisation, ils demeurent sionistes. Déjà lors de la guerre au Liban (été 2006, NDLR), ce dernier a soutenu la guerre jusqu’à la mort de son fils engagé dans les combats, à partir de laquelle il a changé d’avis. La gauche sioniste n’a jamais considéré les Palestiniens comme des égaux. Ils disent simplement : « On vous concède un petit droit sur cette terre » pour temporiser. Une des raisons de l’échec de l’accord d’Oslo est l’opposition de la gauche sioniste au partage de Jérusalem et à l’évacuation de certaines colonies.

La gauche a même repris à son compte le thème de la sécurité, la guerre ayant été menée par Ehud Barak, ministre de la Défense et leader du parti travailliste. Est-ce une évolution structurelle de la société israélienne, ou le résultat – conjoncturel – de la faiblesse de la gauche ?
C’est structurel. Il n’y a aucune différence idéologique au sein du sionisme. Les termes de droite et de gauche n’ont aucune importance. Le dicton israélien selon lequel « Les Palestiniens [seraient] les nouveaux nazis, et Arafat le nouvel Hitler » a fait florès tant à droite qu’à gauche. Le Meretz (parti de la gauche sioniste, à la gauche du parti travailliste, NDLR) tout comme le mouvement pacifiste La paix maintenant avaient été prévenus par Tzipi Livni de l’offensive contre Gaza à l’avance, et ils l’ont accepté.
Le pire, c’est qu’Ehud Barak a eu beau adopter la politique de son rival de droite Benyamin Netanyahou, les sondages prédisent clairement que les électeurs préfèrent l’original à la copie (pour les élections législatives du 10 février, NDLR)!

La nature islamiste et intégriste du Hamas n’explique-t-elle pas le ralliement d’une large partie de la gauche israélienne à cette guerre, comme en 2006 à celle au sud Liban contre le Hezbollah ?
En apparence oui, mais ce n’est pas le cas. C’est là un prétexte mis en avant pour légitimer les offensives militaires. Comment expliquer autrement que le Ahmed Saadat, leader du FPLP (Front Populaire pour la Libération de la Palestine, marxiste, NDLR) soit condamné à la prison à vie, tout comme Marwan Barghouti, l’homme le plus populaire du Fatah ? Dans ces conditions, Israël érige le Hamas en héros de la résistance, et affaiblit ses seuls partenaires pour la paix. La stratégie d’Israël est claire : « On humilie ceux qui acceptent de négocier et on massacre ceux qui résistent ».

Vous êtes Juif et anti sioniste : la distinction se fait-elle sans peine auprès de vos interlocuteurs? êtes-vous optimiste pour l’avenir de cette distinction ?
Cette distinction va s’imposer ; l’amalgame Juif / sioniste revendiqué par Israël conduit à trop de dérives antisémites, par exemple dans les manifestations, des pancartes association l’étoile de David et la crois gammée. Nous luttons contre cela à l’UJFP, à chaque manifestation. Dans 80% des cas, les gens comprennent.
Lors des conférences que je peux donner, les gens sont surpris, étonnés ; y compris – voire surtout – parmi les Juifs. Mais parmi eux, nombreux sont ceux qui sont soulagés de voir que nous existons, on réalise alors que c’est une histoire beaucoup plus commune que ce que l’on pensait, que nous, Juifs anti-sionistes, partageons. Nous considérons le crime commis en notre nom par Israël insupportable. Même en Palestine, on arrive à faire la distinction entre Juif et sioniste, grâce à tous ces pacifistes qui manifestent contre les check points et le mur.

Les rares refuzniks et pacifistes manifestant en Israël peuvent-ils être aidés de l’étranger par des organisations telles que la vôtre ?
L’UJFP travaille en étroite collaboration entre autres avec l’AIC (Alternative Information Center, organisation binationale, NDLR) de Michel Warschawski, nous publions leurs communiqués, nous transmettons des informations… J’ai été plusieurs fois en Israël et Cisjordanie, mais la dernière fois j’ai été à deux doigts de l’expulsion.

Comment voyez-vous l’avenir du pacifisme israélien ?
Je pense que le projet sioniste est dans l’impasse et finira par s’épuiser. Le pacifisme s’imposera par lassitude vis-à-vis de cet état de guerre permanent dans lequel le sionisme plonge Israël. Les Israéliens, en particulier les jeunes, les bobos, en ont assez de vivre une guerre tous les trois ans. C’est cette aspiration à la normalité qui pourrait faire qu’une forme de rupture survienne. Déjà 15% des Israéliens vivent à l’étranger, nombreux sont ceux qui veulent partir respirer. L’apartheid et la guerre permanente, ce n’est pas tenable. Les Israéliens ont beau ne pas saisir que leur politique est immorale et inhumaine, ils comprennent en revanche qu’elle est suicidaire.

Propos recueillis par Antony Drugeon, L’IMAGINERE, le 2 février 2009

Pierre Stambul est membre du bureau national et ex président de l’UJFP, l’Union Juive Française pour la Paix.

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Jan 25, 2009
La main de fer de la correctionnelle

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Clandestins, travailleurs au noir, marginaux, cas sociaux… le tribunal correctionnel passe à la loupe les maux d’une France décidément ancrée dans l’exclusion.

Aldémir I., turc, 25 ans. Et sans-papier. Cette description expéditive faite par le juge au tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence en ce jeudi 22 janvier pose le problème en des termes simples. L’avocate essaie bien de poser une équation plus complexe. « S’il rentre en Turquie, c’est le service militaire qui l’attend là-bas, pour quinze mois ! Qu’adviendra-t-il de sa famille ? » Une situation familiale que le juge voulait justement éclaircir. « Vous avez déclaré que l’enfant de votre compagne était le vôtre, après avoir dit qu’il était d’un autre ! », l’interpelle-t-elle. L’homme, au français hésitant, assisté d’un interprète, se justifie : « Je ne pouvais pas venir déclarer l’enfant à la préfecture, étant sans papier. » L’avocate renchérit : « J’ai vu la petite courir vers lui les bras ouverts en criant « Papa ! » » Sa compagne, à nouveau enceinte de lui, n’est juridiquement reliée à Aldémir « par aucun enfant », tranche madame le juge. Reconnu coupable de refus d’embarquement, l’homme est condamné à 500 € d’amende, avant sa reconduite à la frontière.

Les faits sont les faits. Cette dure réalité a également rattrapé Marc J., 19 ans, poursuivi en comparution immédiate pour détention illicite d’arme de 4e catégorie. Cet ex-SDF a derrière lui un casier judiciaire bien garni en petits larcins (dégradation, vol, conduite sans permis, trafic de stupéfiants, etc.). Interpellé avec un pistolet caché sous ses vêtements, habillé en noir, avec des gants et une capuche, alors qu’il se rendait à un snack, Marc fait dire au procureur : « Pas besoin de faire un dessin, on sait pourquoi il se rendait dans ce snack ! » Et de tourner en dérision la défense de l’accusé, qui prétend être venu acheter une glace : « Une glace, en ces temps hivernaux !.. » L’avocat de la défense bondit sur la contradiction : « Comment reprocher à quelqu’un, en ces temps hivernaux, de se vêtir chaudement ? », avant de plaider pour le droit à manger de la glace en toute saison. Rien n’y fera : ni la petite amie ayant confirmé la version de la glace, sans concertation possible ; ni la situation professionnelle et sociale – enfin – stable de l’accusé. L’arme reste là. « C’était juste pour me défendre, et elle était pas chargée chargée, madame le juge » minaude le jeune homme. « Comment une arme peut ne pas être « chargée chargée » ? ! », s’exclame avec fermeté le juge. « Il faut passer à autre chose désormais, monsieur J. », sermonne-t-elle, « et réfléchir à votre statut d’adulte ». 6 mois de prison ferme.

La fermeté prévaut encore dans le cas d’Abdelhamid C.. Ce salarié de 37 ans a une situation relativement plus stable. Accusé de violence aggravée et de rébellion avec arme, l’homme fait en fait figure d’enfant. Intimidé par la solennité des lieux, c’est la démarche hésitante qu’il traverse le box des accusés. Son histoire plonge le tribunal dans le quotidien des cités. Entraîné par un ami souhaitant aller chercher ses enfants dont la mère a la garde exclusive, Abdelhamid s’est retrouvé dans une altercation avec cette femme et son nouveau compagnon. Mais Abdelhamid est sourd. Peut-être pas tout à fait sain d’esprit non plus, mais les résultats de l’expertise psychiatrique se font attendre. C’est donc un homme dépassé qui, dans l’agitation d’une dispute de quartier, a donné des coups. Au couteau, mais en vain. Puis aurait essayé de prendre la fuite : « Il n’a pas entendu les sommations des policiers », justifie son avocat. « Il est peut-être sourd, mais il avait un manche de pioche dans sa voiture », riposte le procureur. Le maintien en détention est certes rejeté, mais « dans l’attente des résultats de l’expertise psychiatrique », tranche madame le juge.

« A bientôt ! » glisse un policier, le sourire ambigu, au dernier des accusés.

Antony Drugeon, L’IMAGINERE, le 23 janvier 2009

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Jan 16, 2009
Quand Marseille défile pour Gaza
La porte d'Aix aux couleurs palestiniennes, le samedi 10 janvier. Photo : Antony Drugeon (CC)
La porte d’Aix aux couleurs palestiniennes, le samedi 10 janvier. Photo : Antony Drugeon (CC)

Un peu partout en France, le samedi 10 janvier a pris les couleurs palestiniennes. Plongée au cœur de la manifestation marseillaise pour Gaza.

14h30, porte d’Aix, à Marseille. Le grouillement, habituel à ce croisement à deux pas du très populaire marché du soleil, a quelque chose de plus « figé ».Deux camionnettes, des hauts parleurs, une banderole et des drapeaux rappellent aux passants que la journée est celle de la grande manifestation marseillaise en solidarité avec Gaza. En ce jour, Marseille tente de réitérer et d’amplifier la manifestation du samedi précédent.
Les Marseillais, mi passifs, mi mobilisés, se toisent. Les passants marchent d’un pas quelquefois pressé ; parfois ils s’arrêtent, et lancent des regards à la fois curieux et emphatiques, face à la forêt de drapeaux rouges, noirs, blanc et verts [les couleurs du drapeau palestinien, NDLR] qui s’agitent. Mais les deux Marseille, mobile pour l’une, mobilisée pour l’autre, se côtoient sans se parler. Un passant crie « Israël criminel !» en se glissant furtivement le long de la foule en formation, sans se détourner de son chemin. Une mère, portant le hijab, dans le cortège naissant, affiche pro-palestinienne à la main, s’exclame, amère : « On dit pas ça comme ça, pour rigoler ! », les sourcils froncés. Sa fille, 7 ans, drapée dans un drapeau palestinien, reprend, joyeuse : « Israël criminel ! ». La mère se retourne, interloquée.

Poupée brandie par des manifestants pro-palestiniens. Photo : Antony Drugeon (CC)
Poupée brandie par des manifestants pro-palestiniens. Photo : Antony Drugeon (CC)

Ambivalente, duale, Marseille le demeure en toute occasion. Les banderoles et les slogans étaient précisément l’occasion d’exprimer cette dualité. Le cortège ne s’est pas encore mis en marche qu’une discussion vive oppose un homme, dont la pancarte arbore une étoile de David et une croix gammée, reliées par un signe égal. Une femme s’adresse à l’homme sur un ton conciliant, mais ferme : « Il ne faut pas faire cet amalgame !.. Tous les Juifs ne sont pas d’accord avec ce qui ce passe ». L’homme, visiblement agacé d’être sermonné, concède en maugréant chercher un marqueur pour rajouter les deux traits « pour faire le drapeau israélien, alors ». Avant de se sauver plus loin, dans la marée humaine, d’où jaillissent quelques drapeaux irakiens, libanais, et mille pancartes, en plus des drapeaux palestiniens.
Mme Njeim, de son nom, « patrouille » en effet parmi la foule, à la traque des banderoles litigieuses. « Je suis mariée à un Palestinien, et je devais venir ici », explique cette Française dans la quarantaine, pour manifester mais aussi « ne serait-ce que pour calmer le jeu, ce que je ne suis pas la seule à faire d’ailleurs, beaucoup de Marseillais, musulmans, font aussi ce travail », souligne-t-elle. Mi rationnelle, mi virevoltée, Marseille a donc vu son cortège s’ébranler peu après 15h.
Les organisateurs s’en étaient tenus à des mots d’ordre mesurés, « excluant le mot Hamas, mais insistant sur la participation du peuple marseillais, sans référence religieuse », explique Mustapha, 50 ans, la voix éraillée après avoir scandé au micro, une demi-heure durant, les motifs légitimant la manifestation.
Au cri de « Gaza debout, jamais à genoux ! », « Nous sommes tous des Palestiniens ! », « Israël assassin ! », les manifestants, estimés à 20.000 personnes selon les organisateurs, à 4.500 selon la police, ont descendu le boulevard des Dames pour rallier le boulevard de la République, jusqu’au Vieux Port, avant de s’engouffrer dans la rue du Paradis, qui abrite le consulat israélien. Toutefois l’accès à celui-ci était empêché par les CRS qui bloquaient la rue, poussant le défilé à rejoindre la préfecture toute proche. C’est là que les manifestants se sont progressivement dispersés, dans le calme.Le cortège, quoique vindicatif, est resté calme. Photo : Antony Drugeon (CC)
Le calme, c’était précisément l’obsession des organisateurs, soucieux de ne pas voir les plus excités décrédibiliser tout le mouvement. Un souci partagé par les manifestants les plus anonymes. Ainsi, alors que de nombreux commerçants baissaient le rideau de fer de leur boutique, dans la rue de Paradis, la tension a, l’espace d’un instant, monté, lorsque des jeunes ont couverts de huées les clients huppés sortant des boutiques chics encore ouvertes. « Dans ce quartier ce sont tous des Juifs ! » lance un jeune homme, tentant de pardonner l’ambiance, prompte aux débordements. Mais ceux-ci n’ont jamais vraiment éclaté, grâce à la vigilance des manifestants les plus âgés, qui par exemple jetèrent leurs regards foudroyants sur un jeune de 13 ans qui tapait du poing un rideau de fer, avant que de fermes « Non ! » ne montent spontanément à l’attention du gamin. Fausse alerte.
La manifestation n’aura pas démentie les critiques de ceux qui font de cette mobilisation un phénomène communautaire, qui touche quasi-exclusivement les Arabes. De fait, une très large majorité de manifestants étaient Arabes ; à l’image de la ville, rétorquera-t-on. Pour Ali H., un jeune Franco-Libanais manifestant avec son drapeau jaune du Hezbollah, il faut plutôt regretter que la manifestation n’aie pas davantage d’ampleur, compte tenu des effectifs de la population arabe et musulmane dans la ville. « Finalement, à Marseille, il y a beaucoup de Français [de souche, NDLR] qui manifestent, par rapport à tout ce qu’il y a comme Arabes » déplore-t-il. Ce qui n’a nullement empêché les manifestants de crier « Allahou Akbar » avant de traiter le président égyptien Hosni Moubarak de traître, alternativement en français et en arabe, tout comme le président français Nicolas Sarkozy.

Antony Drugeon
La manifestation est restée pacifique. Photo : Antony Drugeon (CC)

Pour Noëlle M., enseignante retraitée et grande habituée des mobilisations syndicales, c’est l’occasion de renouer avec les manifestations. « Ça faisait longtemps, raconte-t-elle, que je n’ai pas manifesté. Mais là j’ai décidé de venir, c’est important parce que j’ai peur qu’on prépare une nouvelle génération de kamikazes, j’ai peur que les choses ne virent à la guerre de religion ». La soixantaine, derrière ses lunettes, elle partage sa révolte avec Rabia Zeroual, une Franco-algérienne venue manifester avec ses amies « en tant que mère ». Sous une banderole rose et bleue où s’affiche « Maman, pourquoi la guerre ? » entre deux poupées relookées au keffieh, le poing en l’air, elle s’insurge : « Le problème c’est que dès qu’on critique Israël, on est soi-disant contre les Juifs ». Elle n’hésite pas à citer Comment le peuple juif fut inventé, de Shlomo Sand, cet ouvrage controversé en Israël pour faire du peuple juif une invention artificielle des auteurs sionistes XIXe siècle. « Le problème c’est que ce pays [Israël, NDLR] se définit sur une base ethnico-religieuse, exactement comme l’Allemagne nazie » répète-t-elle.
Inévitablement, les discussions débordent de la situation actuelle à Gaza, pour évoquer Israël en général. Les pancartes appelant au boycott d’Israël côtoient celles condamnant le blocus, la colonisation, ou associant Israël au terrorisme et aux pratiques génocidaires.Les drapeaux palestiniens ont envahi les rues de Marseille. Photo : Antony Drugeon (CC)
Ce sont sans doute les accents antisémites de la manifestation qui ont effrayé les partis politiques, demeurés discrets en fin de cortège, tandis que le Parti Socialiste (PS) n’a pas participé au défilé. Et de fait, si le service d’ordre a efficacement fait la police parmi les pancartes, hormis l’association fréquente entre croix gammée et étoile de David, les manifestants ont parfois du mal à distinguer Juifs et sionistes, Juifs et Israël. Devant la préfecture, Harb, une Franco-libanaise vivant en France « depuis 26 ans » se dit « déçue de [son] pays ». « J’ai honte d’avoir la nationalité française, Sarkozy est complice d’Israël ! », martèle-t-elle. « Les médias français sont tenus par les Juifs, poursuit-elle, les Juifs tiennent toutes les ficelles ! ». L’entourage exclame son accord, reprenant une idée maintes fois répétée durant le défilé par des organisateurs révoltés par la partialité des médias français, dont la télévision semble être la principale cible. Les Juifs de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP) ne les convainquent pas : Aïcha, 37 ans, Franco-algérienne, est catégorique « Je ne crois pas qu’il puisse y avoir des Juifs honnêtes. Ils envoient tous de l’argent en Israël » affirme-t-elle, ajoutant seulement « ne pas être représentative ».

Slogans anti-Israéliens et messages de paix cohabitent dans le cortège. Photo : Antony Drugeon (CC)
Slogans anti-Israéliens et messages de paix cohabitent dans le cortège. Photo : Antony Drugeon (CC).

Cet amalgame, on le déplore, du côté de l’UJFP. Mais on ne s’en étonne plus : « C’est avant tout le fait du CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France) qui prétend parler au nom des Juifs, et d’Israël, qui construit non pas des colonies israéliennes, mais bel et bien des colonies juives ! » accuse Pierre Stamboul, membre du bureau national de l’UJFP. « Alors, dans ces conditions, il est inévitable que tant de gens fassent la confusion » déplore-t-il. L’association, qui existe depuis 7 ans, et revendique près de 300 militants dont 40 à Marseille, « commence, se réjouit Pierre Stamboul, à être reconnue ». L’enjeu, selon lui, est simple : « Il s’agit de défendre notre peau, parce qu’Israël voudrait nous mêler à ses crimes ».
Ni noire ni blanche, la réalité à Marseille est toujours dans le contraste. La ville prépare sa prochaine manifestation, suspendue à l’espoir d’un cessez-le-feu. Entre exaltation et sentiment du devoir civique.

Antony Drugeon, L’IMAGINERE, le 11 janvier 2009.

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Nov 20, 2008
L’opération séduction de Nadia Yacine à Marseille

nadia-yacineA Marseille aussi, Nadia Yacine fait des vagues. L’égérie d’Al Adl Oua al Ihssane a profité de la 15e édition des Rencontres d’Averroès organisées dans la cité phocéenne pour présenter l’association islamiste sous un jour favorable. Avec un succès relatif, dans son échange avec les quelques 1200 personnes du public. Elle a pourtant été jusqu’à pousser la chansonnette, interprétant le début de La méditerranée de Tino Rossi pour « prouver que l’islam n’interdit pas le chant, comme dans les clichés ». Un effort louable qui n’a pas empêché le public de l’interpeller sur son « pacte islamique » pour la société marocaine. « Il s’agit d’un pacte d’entente basé sur le dénominateur commun qu’est l’islam, puisqu’il n’y a pas de minorité religieuse au Maroc » a-t-elle justifié, suscitant moqueries et réprobations à la fois. Avant de scandaliser l’auditoire, en refusant de reconnaître le droit de choisir sa religion, « non pour moi-même, mais parce qu’il ne serait pas acceptable de violer les consciences des masses analphabètes par des choix qu’ils ne sont pas prêts à concevoir » a expliqué la militante. CQFD.

Antony Drugeon, le 9 novembre 2008

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Oct 27, 2008
Quand la diplomatie du makrout pédale dans la semoule

Antony Drugeon
L'engouement des Français pour la nourriture marocaine ne profite guère au Maroc. Photo : Antony Drugeon (CC)

La nourriture marocaine serait-elle en passe de perdre son rayonnement international ? Plongée dans le secteur alimentaire marocain d’Aix-en-Provence, en France.

« Vous représentez le Maroc mieux que moi » aurait reconnu M. Sijilmassi, l’ambassadeur du Maroc en France, après un repas au Riad, l’un des restaurants marocains les plus renommés d’Aix-en-Provence (sud de la France), s’adressant à son propriétaire. C’est du moins ce que se plaît à raconter celui-ci, Ali Az-Ziani, avec une fierté très peu contenue. Et force est de constater que les premiers ambassadeurs du royaume chérifien à l’étranger sont les restaurateurs et les pâtissiers marocains. En effet, en France, la nourriture et la décoration orientale sont généralement qualifiées de marocaines, au point que Sabine Calstier, gérante du magasin d’ameublement et décoration syro-libanais Au pays des merveilles, à Aix, s’en exaspère. « Les clients se disent toujours pouvoir trouver moins cher en allant au Maroc ! » explique cette commerçante positionnée sur le haut standing et le design dernier cri.

A la pâtisserie marocaine Mosaïque, dans la rue Van Loo, la popularité du Maroc auprès des Français confine même à la ferveur. Dans un local étroit mais propre, aux murs carrelés de motifs traditionnels marocains, une vitrine impeccable abrite diverses assiettes recouvertes de cellophane. Cornes de gazelle, chabakias, khmissettes, mchweks, baklavas et montecaos s’y laissent admirer en ordre de bataille. Un grand plat contient msemmens, baghrirs et autres pastillas. Installée derrière sa table en fer forgé, son verre de thé à la menthe à la main, Jacqueline, 59 ans, se rêve propriétaire des lieux : « Bonjour ! » lance-t-elle aux clients qui entrent. Cette habituée ne tarit pas d’éloges sur la maison et ses pâtisseries, qui « ne sont pas du tout dégoulinantes de miel comme se l’imaginent la plupart des gens ».

Une réputation imméritée ?

Cependant le Maroc jouit d’une renommée qui le dépasse désormais. En effet, les produits marocains sont loin de se tailler la part du lion dans les épiceries orientales. Ali Az-Ziani, également propriétaire de la pâtisserie Mosaïque, confie : « Pour les matières premières, nous nous fournissons auprès d’un grossiste turc qui fait autorité sur le secteur ; il n’y a pas d’équivalent marocain, car le Maroc ne fait rien pour se mettre en valeur ». Et de pester contre les autorités marocaines, qui n’apportent « aucune aide, mais au contraire qui cassent les pieds à la douane ». L’épicerie orientale la plus fréquentée d’Aix-en-Provence est vraisemblablement La corbeille d’Orient, rue des Cordeliers. Le son de cloche n’y est pas plus encourageant. Entre les grands sacs de semoule, les odorants bocaux de raisins secs, le savon noir, les falafels et le boulghour, son gérant, M. Charkrajian, explique que ses produits proviennent de nombreux pays, mais que le Maroc n’y joue qu’un faible rôle. En effet, la production chérifienne s’y résume aux dattes, lorsque c’est la saison, et… au vin. Même le safran provient d’Iran.

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Ce restaurant marocain d'Aix-en-Pce vise une cible à fort pouvoir d'achat. Photo : Antony Drugeon (CC).

Le rayonnement international du Maroc reposerait donc sur Boulaouane, mais aussi sur la harira. Laquelle est en effet produite à El Jadida par Maggi, du groupe suisse Nestlé, mais simplement pour que celui-ci aie le droit d’utiliser l’appellation « harira ». Un sombre tableau que ne rejette pas Gilles Guillem. Ce marchand d’olives depuis 22 ans tient un étal sur le marché du boulevard de l’Europe, presque exclusivement dédié aux olives. Celles-ci proviennent toutes du Maroc, « parce qu’il y a une vraie diversité là-bas » explique-t-il. Tout en réajustant l’écriteau « olives mixtes à la harissa du Maroc », il ajoute « ce n’est pas comme ici en Provence, que les gens persistent à percevoir comme le pays de l’olive ». Pourtant, poursuit-il, « le Maroc ne fait rien pour encourager les exportations, il n’est là que empocher des tarifs douaniers très élevés ». Quelques étals plus loin, Cyrille Giudalia, 32 ans, se veut encore plus alarmiste. Derrière ses sachets de ras el hanout, cet épicier spécialisé en produits orientaux importés explique d’abord que « les personnes âgées, qui ont le temps de cuisiner, sont ravies de découvrir les saveurs du Maghreb ». Mais, du fait de cette demande, les supermarchés commencent à sentir l’émergence d’un marché nouveau. Ceux-ci produisent désormais eux-mêmes ces produits, avec une qualité parfois inégale, et vendraient à perte, spécialement pour Noël et le Ramadan. « Notre chiffre d’affaire, normalement élevé à ces périodes, a été divisé par deux » déplore-t-il. Les exportateurs marocains apprécieront.

Antony Drugeon, LE JOURNAL HEBDOMADAIRE, le 25 octobre 2008

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Oct 23, 2008
Salman Rushdie, le conteur passionné

Salman Rushdie. Photo : Antony Drugeon (CC)
Salman Rushdie. Photo : Antony Drugeon (CC)

A l’occasion de la sortie de son nouveau livre, L’enchanteresse de Florence, l’écrivain indien Salman Rushdie était l’invité de la Fête du Livre, à Aix-en-Provence (sud de la France), du 17 au 19 octobre.

Un homme assis face à un mur d’yeux. Le regard serein et rieur à la fois, les paupières presque tombantes, Salman Rushdie fait figure de patriarche érudit. L’homme sait captiver son auditoire sans jamais se départir pour autant de sa nonchalance. Sa notoriété se charge, seule, de saisir l’attention de la foule, venue remplir l’amphithéâtre où se tient sa conférence.

Mais qui est Salman Rushdie ? Le nom de l’écrivain a beau être irrémédiablement associé à la fatwa de l’ayatollah Khomeyni, suite à la publication des Versets sataniques en 1988, il n’en reste pas moins empreint de mystère. Comme si cette publicité retentissante avait éclipsé tout le reste. Nombreux sont ceux qui voient en lui un essayiste spécialiste du blasphème, que ce soit pour l’en féliciter ou l’en blâmer. « A cause de la fatwa, beaucoup de gens m’ont pris pour un auteur religieux, ennuyeux, et incompréhensible, à l’image de ceux qui m’attaquaient » déplore l’écrivain indo-britannique, qui considère que « cette ombre portée sur mon œuvre est pire que la fatwa elle-même ».

Salman Rushdie. Photo : Antony Drugeon (CC)
Salman Rushdie. Photo : Antony Drugeon (CC)

A l’occasion de la traduction en français de son dixième roman, L’enchanteresse de Florence, Salman Rushdie rappelle au lectorat francophone qu’il n’en est rien. Ce roman historique plonge le lecteur à la charnière des XVe et XVIe siècles, entre la Florence des Médicis et l’Empire Moghol où règne le puissant Akbar. Mais il est imprégné de contes d’amour, de trahison, de pouvoir, de magie et de sorcellerie, tous plus enchanteurs les uns que les autres. Le roman s’inspire ouvertement des Mille et une nuits, et entraîne le lecteur dans les histoires du narrateur, emboîtées les unes dans les autres. Le seul moyen pour cet énigmatique beau parleur de sauver sans cesse sa vie auprès de l’empereur moghol, tel Schéhérazade.

Salman Rushdie, un mystique qui s’ignore ?

L’enchanteresse de Florence mêle donc la fiction à l’Histoire. « Quelques libertés ont été prises avec l’Histoire, dans l’intérêt de la vérité », avertit, insolent, l’auteur, dès la première page. Une façon pour Salman Rushdie, natif de Bombay, de se situer au confluent de la rationalité et de l’émerveillement, de l’Occident et de l’Orient. Non pour les opposer, mais plutôt pour les faire se rencontrer. « Du fait de ma position personnelle, entre les cultures indienne et anglaise, j’ai toujours voulu écrire sur les rencontres entre des mondes différents » explique Salman Rushdie.

Antony Drugeon
Salman Rushdie. Photo : Antony Drugeon (CC)

Une rencontre physique imaginée de toute pièce pour  le bienfait de l’histoire, mais qui sert de prétexte à une réelle comparaison entre les Renaissances italiennes et mogholes d’alors. « Ce qui m’intéressait dans cette époque, c’est qu’en ces deux endroits, on y assiste au développement de la valeur individuelle, à l’éloignement de l’idée de la religion et du groupe » développe l’auteur, qui se réjouit de voir « la vie sensuelle triompher dans les deux cas ». L’individualisme et l’enchantement réunis, en quelque sorte.

Salman Rushdie serait-il un mystique ? Il s’en défend, lui qui souligne « [venir] d’un pays frappé par les gourous », mais reconnaît que « l’écriture permet de combler le vide laissé par la mort de Dieu ». L’univers délirant sorti de son esprit permet, « comme la religion pour d’autres », d’approcher « cette part d’immatériel et d’irrationnel qui nous anime tous ». D’ailleurs, s’il ne goûte guère à la superstition dans la « vraie vie », il admet être particulièrement friand de « sorcellerie, de miracles et de mythologie » dans son écriture.

Antony Drugeon
Salman Rushdie. Photo : Antony Drugeon (CC)

« Franchir la ligne », tel est son leitmotiv. Car il refuse de soumettre la créativité de l’écrivain à quelque cause que ce soit. Ni la patrie, ni, bien sûr, la religion. L’auteur de Franchissez la ligne est formel : « C’est absurde de parler de responsabilité pour l’écrivain, il n’y a que l’inspiration qui compte ». C’est donc tout naturellement que Salman Rushdie soutient la publication des caricatures de Mahomet. « Il serait tout à fait inacceptable de ne pas les publier » tranche-t-il, argumentant que « répondre à la violence en se soumettant ne permet pas d’avoir la paix, il faut même les republier ! ». Celui dont la vie et l’œuvre font un pont entre l’Orient et l’Occident n’ignore pas que nombreux sont ceux qui « rejettent le mélange des cultures, l’enrichissement mutuel », mais il leur signale qu’ils ne pourront pas « uniformiser le monde » et leur conseille donc de faire avec. Un simple conseil de patriarche, pas une fatwa.

Antony Drugeon, le 23 octobre 2008

Salman Rushdie, L’enchanteresse de Florence, 2008, éditions Plon.

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